L'armée ghanéenne est intervenue dans la nuit au sein du Parlement pour calmer les bagarres entre députés du parti au pouvoir et de l'opposition, qui ont finalement boycotté la cérémonie d'investiture du président Nana Akufo-Addo jeudi après-midi.
Au moment même où Washington était en proie au chaos, avec l'irruption de manifestants pro-Trump dans le Capitole à Washington, le Congrès américain, les députés ghanéens en venaient aux mains dans l'enceinte du Parlement à Accra.
Les parlementaires, divisés de manière quasi égale entre les deux partis principaux de ce pays qui fait figure d'exemple démocratique en Afrique de l'Ouest, ne parvenaient pas à s'entendre sur le vote de leur président et la situation a dégénéré quand un député du parti au pouvoir a tenté de voler des bulletins.
Après l'intervention dans la nuit de mercredi à jeudi de l'armée qui a rétabli le calme, ils ont finalement élu Alban Bagbin, député du Congrès national démocratique (NDC), le parti d'opposition, avec 138 voix contre 136.
Chacun des deux partis contrôle 137 sièges du Parlement, qui compte en outre un député indépendant. Un vote a été considéré comme nul et un élu de la formation au pouvoir, le Nouveau parti patriotique (NPP), a donc vraisemblablement voté pour l'opposition.
"J'accepte avec humilité le privilège qui m'est offert de présider le huitième Parlement" du Ghana, a déclaré Alban Bagbin, qui devient le premier élu de l'opposition à la tête de cette institution dans l'histoire du pays.
Les députés de l'opposition, ainsi que son chef de file, John Mahama, arrivé deuxième à la présidentielle de décembre avec 47,36% des voix, des résultats qu'il conteste toujours en justice, ont toutefois boycotté la cérémonie d'investiture du chef de l'Etat.
Après une courte cérémonie et des danses traditionnelles, M. Akufo-Addo, reconduit pour un second mandat, a prêté serment et commencé son discours en saluant l'élection du nouveau président du Parlement, mais sans faire aucune allusion aux événements de la nuit.
"Je suis confiant que nous serons, tous les deux, guidés par l'intérêt suprême de la nation et que nous défendrons la bonne gouvernance pour les affaires de l'Etat", a-t-il assuré, en soulignant les efforts déployés pour le développement économique durant son premier mandat, terni par la crise du coronavirus.
Cette division quasi égale entre l'opposition et le parti au pouvoir, conséquence d'un double scrutin présidentiel et législatif extrêmement serré qui s'est globalement déroulé dans le calme, fait toutefois craindre aux observateurs de futurs "blocages" dans les décisions politiques, dans un contexte global difficile et un ralentissement de l'économie.
- "Blocages" -
"Il ne faudrait pas qu'on se retrouve dans une situation où le NDC (opposition) a la majorité et s'en serve uniquement pour bloquer les actions du gouvernement", met en garde Kobi Annan, chercheur en sciences politiques pour Songhai Advisory, un think-tank ghanéen sur l'Afrique subsaharienne.
"Cela doit être l'opportunité d'une collaboration entre les deux principaux partis, qui doivent s'entendre pour l'intérêt collectif du Ghana", souligne-t-il.
John Mahama, candidat malheureux du NDC face à M. Akufo-Addo, a qualifié cette journée "d'infâme" pour la démocratie ghanéenne, malgré l'élection d'un opposant à la tête du Parlement, et a demandé une enquête sur la tentative d'interrompre ce vote et l'intervention de l'armée.
Ces deux adversaires politiques de longue date s'affrontaient pour la troisième fois, avec lors des deux précédents scrutins des résultats également serrés.
Plusieurs représentants de la communauté internationale étaient présents jeudi pour l'investiture du président Akufo-Addo, dont Jean-Yves le Drian, ministre français des Affaires étrangères qui se rendra ensuite au Burkina Faso pour rencontrer le président Roch Marc Christian Kaboré, également réélu fin novembre.
Tous les commentaires 0
CONNECTEZ-VOUS POUR COMMENTER
VIDEOS