"Les gens sont sans doute un peu découragés et fatigués" : à 48 heures du second tour de l'élection présidentielle au Niger, la campagne a pris fin vendredi minuit dans le calme, la vie suivant son cours routinier à Niamey.
Malam Hamadou, 51 ans, mangeait le kourba-kourba (pâte de maïs) vendredi matin dans une échoppe au bord de la route. "C'est presque comme s'il n'y avait pas de scrutin", dit-il en décrivant l'ambiance entre deux bouchées.
A Niamey, capitale du Niger qui doit choisir dimanche son prochain président entre Mohamed Bazoum, candidat du pouvoir (39,3% au premier tour), et Mahamane Ousmane, ancien président qui veut le redevenir (presque 17%) le dernier des 20 jours de campagne officielle ressemblait quasiment à un jour lambda.
Chacun vaquait à ses occupations : Djibril Maïga, étudiant de 25 ans, devait aller voir sa mère hospitalisée depuis quatre jours, Malam Hamadou se reposer chez lui... Rien ou presque n'indiquait ici que le pays se préparait à voter dimanche, quasiment deux mois après le premier tour du 27 décembre.
Aucun des deux candidats n'était dans la capitale durant les derniers jours de campagne. Si mathématiquement, tout le monde s'accorde à penser que les alliances formées par Bazoum entre les deux tours lui permettraient de gagner, certains doutent du report effectif des voix des partis ralliés.
Alors, dans les états-majors des partis, l'ambiance était plus animée que chez le chalant. Au siège du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, parti dont le président actuel Mahamadou Issoufou et son dauphin et candidat Mohamed Bazoum sont membres fondateurs), les allées et venues étaient incessantes et les petits cadeaux du parti sont partout.
"On en a écoulé beaucoup, mais il en reste encore énormément !", dit l'un des vendeurs en proposant écharpes, boucles d'oreilles, pagnes, casquettes, chemisettes... Tout en rose évidemment, la couleur du PNDS.
Quelques minutes plus tard, les sections "jeunesses" des partis alliés à Bazoum ont pris le micro et se sont lancées dans des diatribes contre le candidat de l'opposition devant les quelques dizaines de militants rassemblés.
"Nous n'avons pas peur du candidat Ousmane, ce dont nous avons peur c'est de leur (...) volonté de déstabiliser le Niger. Ils sont en train de se préparer pour contester systématiquement les résultats et pour pousser les jeunes dans la rue à la contestation", dit à l'AFP Moctar Karidio, du PNDS.
- Pas de risque zéro –
"Le risque zéro (de troubles post-électoraux) n'existe pas", a déclaré en fin de journée Sani Mahamadou, directeur de campagne de Bazoum et fils du président Issoufou, en appuyant néanmoins sur le fait que la campagne s'est déroulée sans heurt, et qu'il n'y a jamais eu de troubles post-électoraux au Niger.
De fait, la campagne a seulement été troublée par quelques jets de caillasse dans l'ouest du pays sur des véhicules du PNDS. Aucune violence n'a été relevée dans un pays en proie à de nombreuses attaques jihadistes.
Le scrutin de dimanche sera la première transition pacifique du pouvoir entre deux présidents élus.
Mais, entre les deux tours, l'opposition a déclaré qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats si elle les estimait entachés de fraude. Elle a déjà dénoncé des présumés fraudes lors du premier tour, mais a été déboutée par la justice.
A la nuit tombante vendredi, les partis alliés à l'ancien président Ousmane, avaient donné rendez-vous à leurs partisans le long d'une large avenue devant le siège d'un des partis alliés.
Autour de la scène s'étaient agglutinées quelques centaines de personnes, certains montant sur leurs motos, d'autres sur les murs, pour mieux voir les personnalités se succédant au micro.
"Ils disent que Bazoum a été ministre d'Etat, mais Ousmane a été chef de l'Etat, il n'y a pas match !", lâche sous les hourras Oumarou Abdourahmane, candidat malheureux du premier tour (0,43%).
Le "match" et la réussite du scrutin résideront sans doute dans l'acceptation des résultats par toutes les parties une fois les résultats annoncés.
En attendant, l'heure du choix avance : à une dizaine de mètres de la scène, Hamidou Hama, 34 ans, debout sur sa moto pour essayer d'entrevoir qui est sur scène, est venu par curiosité : il habite à côté.
"J'ai envie que les choses changent mais je ne sais pas avec quel candidat ça peut vraiment changer, alors je suis venu écouter", dit-il une fois descendu de son promontoire en s'allumant une cigarette.
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