La vice-présidente de la Tanzanie, Samia Suluhu Hassan, est devenue vendredi la première femme à diriger le pays, prenant la succession du président John Magufuli, dont le décès demeure entouré de nombreuses interrogations.
Musulmane de 61 ans originaire de l'archipel semi-autonome de Zanzibar, a prêté serment vendredi matin à Dar es Salaam. Elle doit rester au pouvoir jusqu'à la fin prévue du mandat de M. Magufuli, soit 2025.
"Je peux assurer aux Tanzaniens que rien n'ira mal pendant cette période. Nous allons reprendre là où Magufuli s'est arrêté", a déclaré Mme Hassan dans une brève allocution.
"Soyons patients et unissons-nous pour avancer", a-t-elle ajouté.
Elle est l'une des deux femmes actuellement au pouvoir en Afrique avec l'Ethiopienne Sahle-Work Zewde, dont les fonctions sont honorifiques.
Cette fidèle du parti Chama Cha Mapinduzi (CCM), qui a gravi les échelons du pouvoir depuis 20 ans, avait annoncé mercredi soir la mort du président Magufuli, qui n'était plus apparu en public depuis le 27 février. Ce dernier est officiellement mort mercredi de problèmes cardiaques, a-t-elle déclaré. Son absence inhabituelle avait alimenté les rumeurs qui le disaient atteint du Covid-19, une maladie qu'il n'a cessé de minimiser.
- Décédé depuis une semaine ? -
Son principal opposant Tundu Lissu a affirmé jeudi que, selon ses propres sources, Magufuli est mort du coronavirus "mercredi de la semaine dernière".
Le journal kényan Daily Nation, qui avait rapporté la semaine dernière l'hospitalisation d'un "dirigeant africain" -référence implicite à Magufuli- dans un établissement de Nairobi, affirme également dans son édition de vendredi que Magufuli est décédé la semaine dernière.
Selon le quotidien, Magufuli a quitté Nairobi sous assistance respiratoire, après que les médecins ont estimé qu'il ne pouvait pas être guéri, et est retourné à Dar es Salaam où il est décédé jeudi dernier.
Il avait été transporté à bord d'un avion médical à Nairobi le 8 mars, en raison de "problèmes cardiaques et respiratoires aiguës".
Il est le deuxième dirigeant d'Afrique de l'Est à mourir dans des circonstances controversées, après le président burundais Pierre Nkurunziza, également sceptique sur le Covid-19 et décédé des suites d'une "insuffisance cardiaque" en juin après que sa femme a été transportée à Nairobi pour y être soignée du coronavirus.
M. Magufuli sera enterré jeudi prochain dans sa ville natale de Chato (nord-ouest), a annoncé Samia Suluhu Hassan.
Des hommages sont prévus à partir de samedi dans plusieurs villes (Dar es Salaam, Dodoma, Mwanza, Chato). Les modalités n'en sont pas encore connues.
- "Nouveau chapitre" -
Des questions se posent également sur le style de la nouvelle dirigeante par rapport à son prédécesseur, surnommé le "Bulldozer".
Elle avait été nommée vice-présidente de Magufuli lors de la campagne présidentielle de 2015. Le ticket avait été réélu en octobre dernier, lors d'un scrutin jugé illégal par l'opposition.
Les années au pouvoir de Magufuli ont été marquées par de grands projets d'infrastructures mais aussi par un virage autoritaire, avec des attaques répétées contre l'opposition et un recul des libertés fondamentales. La politique de Mme Hassan à l'égard du Covid-19 sera scrutée de près. Fervent catholique, Magufuli n'a eu de cesse d'en minimiser la présence et la gravité. Estimant que son pays s'en était "libéré" par la prière, il refusait d'imposer des mesures pour endiguer la maladie.
Cette posture était devenue difficile à tenir ces dernières semaines alors que le pays fait face à une vague de décès imputés à des "pneumonies", touchant jusqu'à de hautes personnalités.
L'opposition tanzanienne et des ONG ont appelé au changement.
"Profitons de cette période pour ouvrir un nouveau chapitre pour la reconstruction de l'unité nationale et le respect de la liberté, de la justice, de l'état de droit, de la démocratie et d'un développement centré sur le peuple", a déclaré jeudi le président du groupe d'opposition Chadema, Freeman Mbowe. Il a exhorté la nouvelle présidente à "conduire la nation vers la réconciliation".
- Pressions internes -
L'ONG Human Rights Watch a, elle, estimé que "le nouveau gouvernement a maintenant une chance pour un nouveau départ en mettant fin aux pratiques problématiques du passé".
Selon des chercheurs, Samia Suluhu Hassan pourrait toutefois se retrouver sous la pression des soutiens de Magufuli au CCM, qui dominent le renseignement et des postes-clés du gouvernement.
"A ceux qui s'attendaient à une rupture avec le style Magufuli je dirais: retenez votre souffle pour le moment", a déclaré jeudi l'analyste tanzanien Thabit Jacob, chercheur à l'Université de Roskilde (Danemark).
Mme Hassan doit désormais proposer un vice-président, "après consultation du parti auquel (elle) appartient". Ce choix devra ensuite être validé par un vote de l'assemblée nationale.
Le CCM a convoqué une réunion extraordinaire de son comité central samedi.
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