Sisto Asumu ressasse les évènements du 7 mars. Le jeune homme de 26 ans vivait avec son oncle et sa tante à une centaine de mètres du camp de l'armée dont les arsenaux ont explosé, ravagé tous les quartiers alentour et tué 107 personnes à Bata, en Guinée équatoriale.
Aujourd'hui, nombre de sinistrés ont dû regagner les villages de leurs parents, sont hébergés chez des proches ou s'entassent dans des installations de fortune. Et tous attendent de l'aide.
"Je dormais et, soudain, le toit s'est effondré sur moi", se remémore Sisto en grimaçant. "Nous dormons désormais à l'église car notre maison a été détruite", lâche-t-il.
Les très puissantes déflagrations, qui ont fait, selon un bilan officiel, 107 morts et 615 blessés, ont littéralement ravagé les édifices de ce camp abritant des militaires et leurs familles au cœur d'un quartier d'habitations de la capitale économique de ce petit pays d'Afrique centrale, et éventré ou aplati d'innombrables maisons alentour.
"Même le bruit du tonnerre me fait peur", avoue Sisto.
-"Négligences"-
Le président Teodoro Obiang Nguema, qui dirige la Guinée équatoriale, avait lancé une enquête, affirmant que le sinistre avait pour origine un feu d'écobuage mal maîtrisé par un fermier à proximité des dépôts d'explosifs et de munitions. Il avait aussi accusé les militaires responsables du camp de "négligences", pour avoir stocké sans protection ni surveillance autant d'explosifs au beau milieu de quartiers d'habitations.
"Je ne sais pas ce qui s'est passé, j'ai seulement entendu +boum+, le plafond est tombé et les murs se sont effondrés, je suis sortie en courant", raconte Soraya, 27 ans, l'épouse d'un soldat du camp de Nkoa Ntoma, à un journaliste de l'AFP qui n'a pu accéder à Bata que près de trois semaines après le drame.
"Je ne savais même plus où étaient mes trois enfants, ce sont d'autres personnes qui s'en sont occupés et, grâce à Dieu, personne n'est mort", poursuit-elle. Si le bilan livré par les autorités de 107 morts ne le précise pas, des témoins ont assuré à l'AFP que de nombreux enfants ont péri.
A son retour dans les décombres de son logement, Soraya découvre aussi qu'on lui a dérobé de l'argent. "J'avais 190.000 francs CFA (285 euros) et il n'y avait plus rien", se lamente-t-elle.
Dans le camp militaire, littéralement rasé, comme dans les environs parfois sur des kilomètres, des pelleteuses déblayent encore d'innombrables gravats. Des carcasses de voiture défoncées et éventrées sont entassées sur un terrain vague.
Une équipe de démineurs américains dépêchés par Washington ratissent les lieux pour débusquer d'éventuels engins qui n'auraient pas explosé.
-Extrême pauvreté-
Bata abrite environ 800.000 des quelque 1,4 million d'habitants de ce petit État riche de son pétrole et de son gaz, mais où la grande majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté.
De nombreux sinistrés n'ont plus rien. Et ils ont déserté très vite les abris temporaires, essentiellement des écoles et collèges, ouverts par les autorités juste après le drame pour les abriter, où tout manquait selon des témoins, pour les logements déjà exigus de proches ou pour retourner au village. La solidarité familiale est très forte en Guinée équatoriale.
"J'ai perdu mes deux maisons, j'habitais avec mes quatre petits-fils", se lamente Teresa Nchama, 50 ans.
Joaquina Efua, 35 ans, vendeuse de citrons et mère de quatre enfants, ne supporte pas ses nouvelles conditions de vie. "J'ai dû aller chez ma belle-sœur, où nous sommes neuf personnes dans une maison faite de planches de bois, avec seulement trois chambres", déplore la jeune femme enceinte de six mois.
Difficile aussi de trouver de quoi se nourrir. "J'ai donné 500 francs CFA (environ 75 centimes d'euros) à mes enfants pour qu'ils achètent du riz, j'ai acheté des beignets pour 100 francs, il me reste à peine 100 francs maintenant, et hier, c'est la voisine qui nous a donné deux paquets de pâtes", souffle-t-elle. Et demain ? "Dieu seul le sait", avance-t-elle.
Le gouvernement a assuré avoir débloqué 10 milliards de francs CFA, soit environ 15 millions d’euros, en faveur des victimes.
"J'ai reçu 500.000 francs et un matelas", se réjouit Florencia Mbang, visiblement émue. Mais, comme de nombreux autres, Joaquina Efua, elle, dit qu'elle n'a toujours rien vu venir.
"Mon nom n'est pas sur les listes et pourtant notre chef de quartier est bien venu nous enregistrer, mes six enfants et moi", s'indigne Luisa Ada, une veuve de 33 ans. "Je n'ai reçu aucune aide alors que ma maison a été détruite", lâche-t-elle.
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