Neuf candidats s'affronteront le 11 avril pour la présidentielle au Tchad, a annoncé mercredi la Cour suprême, dont le sortant Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 30 ans, ultra-favori face à une opposition morcelée et muselée, selon elle, par l'usage de la force.
La juridiction suprême, dans une décision lue publiquement, a recalé sept prétendants et retenu les dossiers de 10 candidats dont celui de Saleh Kebzabo, principal opposant et rival historique du président Déby, qui dirige ce pays d'Afrique centrale d'une main de fer depuis un coup d'Etat en 1990.
Mais M. Kebzabo avait annoncé lundi qu'il retirait sa candidature, dénonçant une "militarisation évidente du climat politique" au lendemain de la tentative d'arrestation d'un autre candidat déclaré, Yaya Dillo Djerou, dans un assaut meurtrier de la police et de l'armée contre son domicile de N'Djamena.
La Cour a rejeté notamment les candidatures de M. Dillo Djerou et de Succès Masra, jeune étoile montante de l'opposition, très critique à l'égard du régime, au motif, entre autres, que leurs partis n'étaient pas "légalement constitués".
Des ONG internationales, l'ONU et la France ont réclamé une enquête "impartiale" sur l'assaut meurtrier contre le domicile de M. Dillo Djerou qui, selon son parti, a coûté la vie à cinq membres de sa famille. Le gouvernement n'a reconnu la mort que de sa mère et de deux soldats.
M. Dillo Djerou, visé par deux mandats d'amener pour "diffamation et injures" à l'égard de l'épouse de M. Déby, a pu s'échapper.
Depuis quelques mois, le gouvernement interdit systématiquement et réprime durement toute tentative de manifestation de l'opposition et de la société civile qui réclament "l'alternance et plus de justice sociale". Amnesty international a dénoncé des "restrictions disproportionnées du droit à la liberté de réunion pacifique" et des "arrestations arbitraires".
"Nous avons dit à de nombreuses reprises aux autorités tchadiennes de garantir la participation de l'opposition ainsi que la liberté de réunion", a assuré mardi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, après avoir appelé à une enquête "indépendante et impartiale" sur l'assaut contre le domicile de M. Dillo Djerou.
Lundi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a également réclamé une "enquête rapide et rigoureuse", "déploré le recours à la force dans le cadre du processus électoral au Tchad" et demandé à N'Djamena de "favoriser un dialogue politique".
Avec huit rivaux le 11 avril, cet émiettement de l'opposition --opposition réelle ou de façade, selon les politologues-- semble garantir une réélection confortable à M. Déby.
Les deux candidats qui ont, selon les experts, le plus de chances de récolter un nombre relatif de voix, sont Félix Nialbé Romadoumngar, officiellement "chef de file de l'opposition" parce qu'à la tête du parti comptant le plus de députés à l'Assemblée nationale loin derrière le tout-puissant Mouvement Patriotique du Salut (MPS) de M. Déby, et Théophile Bongoro Bebzoune.
Ce dernier, néophyte en politique, a été désigné récemment à la surprise générale candidat unique d'une coalition de partis d'opposition à la place de M. Kebzabo, coalition qui a éclaté depuis.
Le mouvement de M. Kebzabo, mais aussi d'autres opposants, accusent M. Bongoro d'être "piloté" par le camp Déby pour diviser l'opposition.
M. Kebzabo a réitéré mercredi soir dans une lettre à la Cour suprême qu'il a transmise à l'AFP le retrait de sa candidature et s'est "refusé à faire de l'accompagnement pour valider une mascarade électorale".
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