La junte à Bamako a ordonné mercredi l'expulsion du porte-parole de la mission de l'ONU au Mali, la Minusma, une nouvelle manifestation de la brouille diplomatique entre les autorités militaires du pays et leurs partenaires internationaux.
Il est reproché à M. Olivier Salgado de nationalité française d'avoir posté sur le réseau social Twitter des "informations inacceptables" au lendemain de l'arrestation de 49 soldats ivoiriens à Bamako le 10 juillet.
Le gouvernement malien a notifié mercredi à la représentante spéciale adjointe du secrétaire général de l'ONU, Daniela Kroslak, "la décision de Bamako " invitant M. Olivier Salgado, porte-parole de la Minusma à quitter le territoire dans un délai de 72 heures", selon un communiqué transmis à l'AFP.
Il avait publié, en tant que porte-parole des Nations unies au Mali depuis la création de la mission en 2013, des éléments de communication de la Minusma sur cette affaire des 49 soldats ivoiriens interpellés.
Ceux-là, qualifiés de "mercenaires" par Bamako, étaient selon Abidjan des éléments de soutien au contingent ivoirien de la Minusma, des "Eléments nationaux de soutien" (ENS), une procédure de l'ONU permettant aux contingents des missions de maintien de la paix de faire appel à des prestataires extérieurs à l'ONU pour des appuis logistiques.
Ils devaient, selon la Côte d'Ivoire, prendre la relève d'autres Ivoiriens déployés au Mali.
Selon le tweet du porte-parole de la Minusma le 11 juillet, l'information de cette relève "aurait été préalablement communiquée aux autorités nationales", ce que Bamako a démenti.
L'expulsion de M. Salgado vient s'ajouter à d'autres accrocs diplomatiques entre le Mali et l'ONU, qui compte 12.261 soldats et 1.1718 policiers dans le pays depuis 2013.
Le 14 juillet, Bamako a annoncé la suspension de toutes les rotations militaire et policières de la Minusma, arguant de la nécessité de tenir une "réunion" entre les deux parties pour "faciliter la coordination et la règlementation" desdites rotations. Aucune date n'a été avancée pour cette réunion.
L'Egypte avait le lendemain annoncé suspendre la participation de ses quelques 1.035 soldats à la Minusma à compter d'août, dont le mandat a été renouvelé pour un an le 29 juin.
Ce renouvellement s'est accompagné d'une "opposition ferme" du Mali à la liberté de mouvement des Casques bleus pour des investigations liées aux droits de l'homme.
Son ambassadeur à l'ONU Issa Konfourou avait notamment déclaré que Bamako "n'entend pas exécuter" les dispositions du mandat liées à la libre-circulation des Casques bleus pour des investigations sans feu vert préalable.
Cette entrave dans la liberté de mouvement officialisée fin juin remonte dans les faits à janvier, d'après des diplomates, période qui a coïncidé avec le déploiement au Mali de paramilitaires de la société privée russe Wagner.
Mercredi matin, une association réputée proche de la junte, Yerewolo-Debout sur les Remparts, a déposé au siège de la Minusma à Bamako une lettre à son chef demandant le départ de la mission.
Selon cette association, dont l'un des leaders est Adama Ben Diarra dit Ben le Cerveau, un opposant notoire à l'engagement international au Mali et une figure pro-junte parmi les plus actives dans la rue et dans les médias, la Minusma est devenue : "une force d'occupation qui ravive et entretient la peur".
Cette expulsion intervient dans un contexte de bras de fer diplomatique qui dure depuis plusieurs mois entre Bamako et ses partenaires: la France, d'abord, que le Mali a poussée vers la sortie début 2022 après neuf ans de présence militaire dans le pays, via l'opération Serval puis Barkhane.
L'escalade des accrocs diplomatiques entre Minusma et Mali suit "exactement le même chemin" que celui pris par la relation entre France et Mali, a commenté à l'AFP un chercheur à Bamako sous couvert de l'anonymat: "un blocage de contingents étrangers, la remise en cause du cadre juridique puis l'expulsion d'une figure visible et symbolique..."
L'ambassadeur français avait été expulsé en janvier par les autorités maliennes. Les derniers soldats français doivent quitter le Mali d'ici quelques semaines.
Puis avec la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (Cédéao), qui a durant six mois durement sanctionné le Mali en raison du non-respect de ses engagements, notamment sur la question sensible du retour des civils au pouvoir.
Les sanctions économiques et financières ont finalement été levées début juillet après la présentation d'un chronogramme électoral fixant le prochain scrutin présidentiel à février 2024.
Bras de fer avec la Côte d'Ivoire, enfin, depuis le 10 juillet après l'interpellation de 49 soldats à l'aéroport de Bamako. Ils restaient mercredi en détention au Mali.
La dernière personnalité de l'ONU au Mali à avoir été priée de quitter le territoire était le représentant de la mission à Kidal, dans le nord du pays, fin 2019, après des propos jugés déplacés par les autorités
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