La justice française a rouvert jeudi l'enquête sur le drame du "bateau cercueil", un bateau pneumatique qui avait dérivé deux semaines au large de la Libye en 2011 sans être secouru et dont 63 des 72 occupants, des migrants africains, étaient morts, a appris l'AFP de source judiciaire.
Dans la nuit du 26 au 27 mars 2011, un fragile canot pneumatique parmi tant d'autres avait quitté Tripoli à destination de l'Italie, avec à son bord cinquante hommes, vingt femmes, pour certaines enceintes, ainsi que deux bébés. Tous originaires d'Afrique et, pour 47 d'entre eux, d'Éthiopie.
Très vite à court de carburant, l'embarcation avait dérivé pendant quatorze jours avant d'être rejetée sur une plage de Libye le 10 avril.
"Quinze jours de périple, dont quatorze de dérive, durant lesquels 63 personnes sont mortes, dont deux enfants", ont détaillé les plaignants dans un document consulté par l'AFP à l'attention de la justice.
Après une première plainte pour "non-assistance à personne en danger" visant notamment la marine française, classée en novembre 2012, les plaignants ont obtenu l'ouverture en 2013 d'une information judiciaire qui s'est soldée par un premier non-lieu d'emblée, avant un second non-lieu en 2018.
Pendant ces deux semaines cauchemardesques, ces rescapés assurent que l'embarcation a été photographiée par un avion militaire, survolée par deux hélicoptères, dont un qui leur largua "bouteilles d'eau et biscuits", et qu'ils ont croisé au moins deux bateaux de pêche.
Jeudi, la cour d'appel de Paris a décidé d'accéder à la demande des plaignants : "la chambre de l’instruction a infirmé l’ordonnance de non-lieu entreprise, fait droit partiellement à certaines demandes d’actes et fait retour du dossier au juge d’instruction pour poursuite de l’information judiciaire", a détaillé une source judiciaire.
Selon une source proche du dossier, elle a ordonné la jonction de procédures judiciaires belge, italienne et espagnole sur ce naufrage ainsi que la production des carnets de bord de tous les bâtiments et aéronefs qui étaient sur zone.
"Vu que je suis l'un des rares survivants de cette tragédie qui a fait 63 morts devant des navires militaires européens, je continue à réclamer justice, car j'ai assisté à tout. C'était très simple de sauver des vies, vu qu'ils sont venus nous donner à manger. J'espère que le juge d'instruction va prendre rapidement une décision sur ce dossier", a réagi Abu Kurke Kebato, rescapé de 35 ans vivant actuellement aux Pays-Bas et sollicité par l'AFP.
"Au bout de onze ans, obtenir le basique, notamment concernant les carnets de bord qui permettront d'exonérer, ou pas, l'armée française, c'est un peu long", a réagi l'avocat des plaignants, Stéphane Maugendre.
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