La Minusma est poussée vers la sortie après que la junte aux commandes depuis 2020 a réclamé son retrait en juin, proclamant "l'échec" de la mission et dénonçant "l’instrumentalisation" qu'elle aurait faite de la question des droits humains.
Voici un tableau de cette opération d'ampleur et à risques qui met fin à dix années d'efforts pour tenter de stabiliser un pays en proie au jihadisme et à une crise multidimensionnelle profonde.
Tensions tous azimuts
La Minusma, dont les effectifs ont tourné autour des 15.000 soldats et policiers et dont plus de 180 membres ont été tués dans des actes hostiles, est censée être partie d'ici au 31 décembre.
Les différents acteurs armés se disputant le contrôle du territoire dans le nord cherchent à profiter de l'évacuation des camps de la Minusma. L'armée s'empresse de les récupérer. Les groupes séparatistes à dominante touareg qui s'y opposent ont repris les hostilités contre l'armée. Le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, a, lui, multiplié les attaques.
La Minusma décroche donc en pleine escalade militaire, rendue plus dangereuse par ce qui est perçu comme les restrictions imposées par les autorités à ses capacités de manœuvre.
Contingents attaqués
Après avoir quitté cinq camps depuis août, la Minusma a achevé dimanche son "retrait accéléré" de Tessalit. Elle l'a fait, dit-elle, dans un contexte "extrêmement tendu et dégradé, mettant en danger la vie de son personnel", avec des tirs contre un de ses avions cargo et sur ses positions les jours précédents.
Une partie du contingent, essentiellement tchadien, est parti par avion. Mais le reste a pris la route pour Gao. Plus de 500 kilomètres de désert, sous la menace constante des groupes armés.
Même cas de figure avec le retrait, le lendemain, d'Aguelhok, faute d’autorisation de vol.
Ces convois ont subi des attaques à l’engin explosif qui ont fait des blessés, selon la Minusma. Elles ont été revendiquées par le GSIM. Un conducteur de camion a été gravement blessé et deux autres légèrement jeudi quand des hommes armés ont ouvert le feu sur un convoi logistique parti d'Ansongo, autre camp à évacuer, a rapporté la mission.
Matériel abandonné
La Minusma s'est dite contrainte de détruire ou mettre hors service des équipements comme des véhicules, des munitions ou des générateurs, suivant les règles de l'ONU, faute de pouvoir les emporter. "De telles pertes auraient pu être évitées" si 200 camions n'étaient pas bloqués à Gao depuis le 24 septembre par des restrictions de déplacement de la part des autorités, a-t-elle dit.
Des camions citernes destinés à ravitailler les convois sont également coincés à Gao.
"La douane explique que la quantité de carburant ne se justifie pas", assure un responsable de la mission. Un policier malien basé à Gao argue de la crainte des autorités "de voir la Minusma livrer du carburant aux jihadistes".
Défiance exacerbée
Une telle allégation, fondée sur aucune preuve, reflète la défiance entre Minusma et junte.
Une note confidentielle consultée par l'AFP et destinée au Conseil de sécurité de l'ONU par le département des opérations de maintien de la paix liste les obstacles à surmonter par la Minusma : rétention des autorisations de vol ou de déplacement, mais aussi embargo sur les importations à son attention ou impossibilité de patrouiller autour de ses propres camps pour leur surveillance. La Minusma a élaboré un plan B de retrait comprenant des mesures en dernier ressort.
Le porte-parole du gouvernement malien, le colonel Abdoulaye Maïga, a accusé l'ancien allié français, que la junte a également poussée dehors, de ne ménager "aucun effort en vue de faire fuir la Minusma".
En accélérant le mouvement, la Minusma bouscule les plans de l'armée, qui refuse de laisser le champ libre aux séparatistes.
"La junte a pris la décision de virer la Minusma, mais ils se font imposer le tempo du retrait", estime Jonathan Guiffard, expert associé à l’Institut Montaigne.
Et maintenant Kidal
Les tensions risquent d'augmenter avec le départ de Kidal, fief de la rébellion touareg, enjeu majeur de souveraineté.
Le départ était initialement envisagé la deuxième moitié de novembre. Il pourrait aller plus vite, un responsable de la Minusma parlant d'une affaire de quelques jours.
Un responsable de la mission a indiqué que les effectifs non-essentiels avaient commencé à s'en aller.
"Nous n'allons pas rester les bras croisés et mettre en danger nos troupes", dit un officier tchadien.
Plusieurs interlocuteurs gardent l'anonymat compte tenu de la sensibilité du sujet.
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