Plus de 87 millions d'électeurs étaient appelés à choisir parmi 18 candidats l'homme qui aura la lourde tâche pendant quatre ans de redresser le pays le plus peuplé d'Afrique, plombé par une économie en berne, les violences récurrentes de groupes armés et de bandits, ainsi qu'un appauvrissement généralisé de la population.
"Nous sommes heureux ce matin, car nous avons assisté à l'une des élections les plus pacifiques que le Nigeria a connu", s'exclame Orubibi Digboho, un mécanicien de 27 ans à Lagos.
Le vote s'est effectivement globalement déroulé dans le calme, malgré quelques incidents sécuritaires et des couacs logistiques.
Le transfert électronique et la publication des résultats bureau par bureau semblaient cependant prendre beaucoup de retard, attisant les craintes d'une manipulation des votes, alors que les scrutins précédents ont été entachés par des accusations de fraudes.
La veille au soir, dans certains bureaux à Lagos (sud-ouest), des foules d'électeurs filmaient en direct dans la nuit avec leur smartphone les dépouillements, comptant à voix haute les bulletins avec les agents électoraux, dans une ambiance festive. Les mêmes scènes ont été observées à l'autre extrémité du pays, à Kano (nord).
- Possible second tour -
A Port-Harcourt (sud-est) d'autres électeurs sont restés après les dépouillements réclamant notamment la destruction des bulletins non utilisés : "Nous protégeons nos votes", dit fièrement Robert Ihuoma, un data-analyste de 38 ans qui est parti en même temps que les agents électoraux, épuisés de fatigue.
Situation inédite depuis le retour à la démocratie en 1999, le Nigeria pourrait connaître une présidentielle à deux tours si l'outsider Peter Obi, qui a réussi à s'imposer comme un challenger sérieux face aux deux partis dominant traditionnellement la politique nigériane, transforme l'essai dans les urnes.
L'ex-gouverneur d'Anambra (sud-est), un chrétien de 61 ans soutenu par le petit Parti travailliste (LP) et très populaire auprès de la jeunesse, affronte deux vétérans rompus à l'exercice du pouvoir.
Bola Tinubu, 70 ans, représente l'APC du président Muahammadu Buhari, qui se retire comme le veut la Constitution après deux mandats au bilan très critiqué. Considéré comme l'un des hommes les plus influents du pays, cet ancien gouverneur de Lagos, un Yorouba de confession musulmane, a prévenu : cette fois, "c'est mon tour".
A 76 ans, l'ancien vice-président Atiku Abubakar, de l'opposition (PDP, au pouvoir de 1999 à 2015), briguera pour la sixième fois la présidence. Originaire du nord et de confession musulmane, il espère rafler de nombreux votes dans cette partie du pays.
Pour être élu dès le premier tour, le vainqueur doit obtenir, outre la majorité des suffrages exprimés, au moins 25% des voix dans les deux tiers des 36 États de la fédération auxquels s'ajoute le territoire de la capitale fédérale, Abuja. Sinon un second tour devrait avoir lieu dans les 21 jours.
Légalement, la Commission électorale a 14 jours pour rendre publics les résultats, mais ils pourraient être connus dans les prochains jours, voire heures.
Les données recueillies dans les quelque 176.000 bureaux de vote sont censés remonter plus rapidement à Abuja grâce au transfert électronique, expérimenté pour la première fois au plan national.
Mais dimanche matin, sur le portail de la Commission, aucun résultat pour la présidentielle n'avait encore été publié.
- Lenteur du réseau -
Le groupe d'observation Yiaga Africa s'est dit "profondément préoccupé" par ces retards.
Samedi soir, dans un centre de comptage à Port Harcourt, plus de 300 agents, épuisés, tentaient désespérément de télécharger les résultats sur des machines. Mais face à la lenteur du réseau, aucun n'avait réussi à à 21H00.
Dans l'ensemble, le scrutin s'est déroulé pacifiquement, selon plusieurs observateurs, même si la Commission électorale a reconnu que des incidents sécuritaires avaient "perturbé le vote" dans plusieurs endroits, notamment à Lagos et dans le sud-est du pays.
Le cabinet d'analyse SBM Intelligence a dit avoir documenté des "actes d'intimidations et de violence" localisés dans au moins 13 Etats pendant la journée de samedi.
Ce scrutin est crucial : le Nigeria - 216 millions d'habitants - devrait devenir en 2050 le troisième pays le plus peuplé au monde, tandis que l'Afrique de l'Ouest est menacée par un fort recul démocratique et la propagation de violences jihadistes.
La première économie du continent est devenue une puissance culturelle mondiale, grâce notamment à l'Afrobeats, genre musical qui enflamme la planète avec des stars comme Burna Boy.
Mais face aux immenses difficultés du quotidien, aggravées par de récentes pénuries, de nombreux Nigérians appellent au "changement", écœurés par des décennies de mauvaise gouvernance et une élite vieillissante, réputée corrompue.
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