Depuis des mois, 60 millions de Sud-Africains sont obligés de cuisiner, laver leur linge et recharger leur téléphone à certaines heures de la journée seulement. Le pays manque d'électricité et la rationne en imposant des coupures programmées. Ces délestages ont duré jusqu'à près de 12 heures certains jours, la pénurie s'étant aggravée depuis l'année dernière.
"Nous déclarons l'état de catastrophe nationale pour répondre à la crise de l'électricité et son impact", a déclaré M. Ramaphosa, 70 ans, depuis l'Hôtel de Ville du Cap (sud) où il a tenu dans la soirée son discours annuel sur l'état de la Nation, retransmis en direct à la télévision.
"A circonstances extraordinaires, mesures extraordinaires", a-t-il poursuivi, reconnaissant que " la crise a progressivement évolué pour venir toucher toutes les couches de la société".
L'état de catastrophe permet principalement de débloquer des fonds exceptionnels. L'ANC avait affirmé la semaine dernière avoir donné "des consignes claires" et sommé le gouvernement d'adopter cette disposition.
Cyril Ramaphosa avait déjà déclenché cette procédure l'an dernier lors des inondations sans précédent qui avaient fait plus de 400 morts dans le sud-est du pays et causé des destructions évaluées à plusieurs centaines de millions d'euros.
L'état de catastrophe pourrait aussi apaiser une colère grandissante qui a gagné la rue ces dernières semaines avec des manifestations contre les coupures d'électricité dans plusieurs villes, à l'appel de l'opposition et des syndicats.
Jeudi encore, plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées au Cap, dans un contexte économique et social morose. Le chômage culmine à 32,9%, les prévisions de croissance pour cette année sont quasi nulles (0,3%) et l'augmentation du coût de la vie semble toujours davantage portée par une inflation persistante.
Tension à la cérémonie
Cette crise de l'électricité s'ajoute en grande partie aux stigmates de l'ère de corruption sous la présidence de Jacob Zuma (2009-2018). Les caisses de la compagnie publique Eskom ont été une des principales cibles du pillage organisé des ressources de l'Etat.
Aujourd'hui, la compagnie qui produit 90% du courant consommé dans le pays est prise à la gorge par les dettes, tout en se débattant avec des centrales au charbon vieillissantes et mal entretenues, régulièrement en proie aux pannes.
"C'est tout un système énergétique qui s'effondre et une situation qui est probablement impossible à résoudre à court terme", a estimé Erwin Schwella, un expert en affaires publiques.
L'Afrique du Sud, encore largement dépendante des énergies fossiles, peine à se lancer dans une transition vers les énergies propres. Un plan d'investissement de 98 milliards de dollars a été approuvé par les pays riches l'an dernier à la COP27 dans le cadre d'un accord pour une "juste transition".
Jeudi soir au Cap, le président Ramaphosa a commencé à s'exprimer devant plusieurs centaines de députés, juges, anciens présidents et invités, dans une ambiance tendue. La cérémonie a été interrompue, à peine entamée, par des membres du parti radical de gauche EFF (Combattants pour la liberté économique), qui se sont précipités sur la tribune où se tenait M. Ramaphosa.
Ils ont été exclus de la salle. Les responsables du mouvement avaient juré de ne pas laisser le président "délinquant" s'exprimer.
Embourbé dans un scandale au parfum d'argent sale, monsieur Ramaphosa a échappé à une procédure de destitution en décembre, soutenu par l'ANC. Une enquête de police est toujours en cours.
Le parti historique l'a dans la foulée réélue à sa tête, lui assurant un second mandat de chef d'Etat en cas de victoire de l'ANC aux élections générales de 2024.
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