Si le maintien de son éligibilité est confirmé, le jugement semble susceptible de diminuer au moins temporairement les vives tensions qui parcourent le pays depuis des semaines et qui, jeudi encore, ont quasiment mis à l'arrêt la capitale Dakar, quadrillée par les policiers et les gendarmes.
Mais ce répit pourrait être de courte durée. "Le parquet et mes avocats ont fait appel" du jugement, a déclaré à l'AFP le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang, confirmant des informations de ses conseils. Le sort de M. Sonko est aussi suspendu à une autre procédure dans laquelle il est mis en cause pour des faits présumés de viols, qu'il conteste.
M. Sonko, 48 ans, devait répondre de diffamation, injures et faux contre le ministre. Ce dernier lui reprochait d'avoir déclaré qu'il avait été épinglé par un rapport de l'Inspection générale d'Etat (IGE) pour sa gestion d'un fonds pour l'emploi des jeunes.
Outre les deux mois de prison assortis du sursis, le tribunal a condamné M. Sonko, absent à l'audience, à verser 200 millions de francs CFA (300.000 euros) de dommages et intérêts au ministre. Il l'a relaxé des délits d'injures et de faux et ne lui a pas infligé d'amende.
Le ministère public avait réclamé sa condamnation à deux ans de prison, dont un an ferme, pour diffamation et faux, et trois mois ferme pour injures. Il avait aussi requis la délivrance d'un mandat d'arrêt contre lui.
"Avec deux mois avec sursis, Sonko reste éligible", ont déclaré à l'AFP deux de ses avocats, Mes Bamba Cissé et Cheikh Khoureyssi Ba.
L'un des avocats du ministre, le Français Pierre-Olivier Sur, s'est dit satisfait que son client ait obtenu gain de cause. "C'est lourd et symbolique mais, pour autant cette condamnation est mesurée à tel point qu'elle ne prive pas (M. Sonko) de ses droits civils, politiques et (de son droit) de rester dans le débat politique", a-t-il dit, abondant dans le sens de l’éligibilité préservée de M. Sonko.
Camp retranché
"Si la décision avait été trop lourde, c'était la ville qui s'enflammait et le pays peut-être aussi", a-t-il dit devant les journalistes.
Derrière ce procès, la candidature déclarée de M. Sonko à la présidentielle est en jeu. Le code électoral prévoit une radiation de la liste électorale (et donc inéligibilité) pour des délits comme la diffamation, mais pas pour des peines de deux mois de prison avec sursis non-assorties d'une amende.
L'opposant, arrivé troisième de la présidentielle en 2019, n'a cessé de crier à l'instrumentalisation de la justice par le pouvoir, qui chercherait à l'éliminer politiquement et à dégager la voie pour le sortant Macky Sall. M. Sonko a juré de ne pas se laisser faire.
Le tribunal a une fois de plus pris des airs de camp retranché jeudi et l'activité tournait à nouveau au ralenti dans la capitale, comme c'est devenu la règle à chaque rendez-vous de M. Sonko avec la justice.
Depuis 2021, ses convocations ont suscité des affrontements avec les forces de l'ordre. Au moins 12 personnes ont été tuées en 2021 lors de plusieurs jours d'émeutes, les troubles les plus graves connus depuis plusieurs années dans ce pays réputé comme un rare îlot de stabilité dans la région.
La personnalité de M. Sonko divise. Son discours souverainiste, panafricaniste et social, ses diatribes contre les élites, la corruption et l'emprise économique et politique exercée selon lui par l'ancienne puissance coloniale française lui valent une grande popularité parmi les jeunes.
Ses détracteurs dénoncent en lui un populiste n'hésitant pas à souffler sur les braises sociales.
Le président Sall a lui-même accusé M. Sonko de se servir de la rue pour échapper à la justice, dans un entretien récemment accordé au magazine français L'Express.
Les appels de l'opposition à protester mercredi et jeudi ont paru peu suivis d'effet. Des centaines de personnes ont été interpellées ces dernières semaines, notamment parmi les sympathisants de M. Sonko, ce qui alarme les défenseurs des droits humains.
Le flou entretenu par le président Sall quant à son intention de passer outre aux objections constitutionnelles et de briguer ou non un troisième mandat en 2024 alimente les tensions. L'opposition a fait du non au troisième mandat son mot d'ordre.
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