La loi a été adoptée dans la nuit de lundi à mardi à la quasi-unanimité, par 105 voix pour et une voix contre, après que les députés de l'opposition qui faisaient obstruction au vote ont été évacués manu militari par la gendarmerie.
Le président Macky Sall restera dans ses fonctions jusqu'à l'installation de son successeur, précise une autre disposition de la loi.
"La situation est complètement catastrophique, l'image du Sénégal est ruinée et je ne pense pas que nous nous relèverons de sitôt de cette faillite démocratique, de ce tsunami dans l'état de droit", a réagi après le vote Ayib Daffé, un député de l'opposition.
Le débat qui avait commencé lundi dans la matinée s'est poursuivi jusqu'en pleine nuit dans une ambiance électrique, des parlementaires en venant même aux mains dans l'après-midi.
- Heurts sporadiques -
La tension est montée d'un cran au Sénégal, considéré comme un îlot de stabilité en Afrique de l'Ouest, après l'annonce samedi par le président Sall de reporter la présidentielle prévue le 25 février, quelques heures avant l'ouverture de la campagne.
Cette décision sans précédent, dénoncée avec virulence par ses détracteurs comme un "coup d'Etat constitutionnel", a provoqué un tollé parmi les candidats qualifiés et dans la société civile, y compris dans les milieux religieux.
Lundi matin, autour du Parlement, les gendarmes ont repoussé avec des gaz lacrymogènes des tentatives sporadiques de rassemblement à l'appel de l'opposition. De petits groupes se sont repliés plus loin en scandant "Macky Sall dictateur !".
Le quartier du Plateau, siège de la décision politique, a offert le spectacle rarissime de protestataires en petit nombre jouant au chat et à la souris avec les forces de sécurité parmi les Dakarois vaquant à leurs activités autour de l'Assemblée placée sous la protection de dizaines de gendarmes et de policiers appuyés par des véhicules lourds.
"L'essentiel pour moi est de dire non à cet agenda politique, ce coup de force pour essayer de rester au pouvoir", a dit à l'AFP l'un des manifestants, Malick Diouf, 37 ans.
Les autorités avaient déjà réprimé de premières tentatives de rassemblements dimanche.
L'internet a été coupé lundi, moyen devenu courant d'ailleurs afin d'enrayer les mobilisations et déjà employé par le gouvernement sénégalais en juin 2023, dans un contexte de crise politique.
- Inquiétude internationale -
Avec cette adoption de la loi par le Parlement, la situation dans ce pays qui a régulièrement élu ses présidents et n'a jamais connu de coup d'Etat, une rareté sur le continent, demeure hautement volatile.
La Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), l'Union africaine, les Etats-Unis, l'Union européenne, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, partenaires importants du Sénégal, ont exprimé leur inquiétude.
De nombreuses organisations de défense des droits, sénégalaises et internationales, ont réprouvé les restrictions à internet ainsi que la suspension de la licence de la télévision privée Walf TV. Elles ont appelé les autorités à se garder d'un usage excessif de la force, des arrestations arbitraires et des atteintes aux libertés.
"Le Sénégal est considéré de longue date comme un modèle de démocratie dans la région. Cette réalité est aujourd'hui menacée", a écrit Human Rights Watch.
La crise fait redouter au Sénégal un nouvel accès de fièvre comme ceux qu'il a connus en mars 2021 et juin 2023, qui ont causé des dizaines de morts et donné lieu à des centaines d'arrestations.
Le flou maintenu pendant des mois par le président Sall sur une nouvelle candidature en 2024 avait contribué aux crispations à l'époque. Il avait finalement annoncé en juillet 2023 qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat.
Malgré une indignation largement partagée sur les réseaux sociaux, la protestation contre le report de la présidentielle n'a pas gagné massivement les rues. L'université de Dakar, haut lieu historique de contestation, est fermée depuis les troubles de 2023 et le parti anti-système Pastef a été éprouvé par les arrestations.
L'opposition dénonce une dérive autoritaire du pouvoir. Avec l'ajournement de la présidentielle, elle soupçonne un plan pour éviter la défaite inévitable selon elle du camp présidentiel, voire pour prolonger la présidence Macky Sall, malgré l'engagement réitéré samedi par ce dernier de ne pas se représenter.
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