Moins nombreux que la veille, mais toujours déterminés, des milliers de personnes ont participé à une nouvelle journée de mobilisation contre la "mauvaise gouvernance" et la hausse du coût de la vie, qui se déroule sous haute sécurité.
Au moins cinq Etats du pays ont été placés sous couvre-feu, et dans la capitale Abuja les forces de l'ordre ont tiré des coups de feu en l’air et fait usage de gaz lacrymogènes pour empêcher des centaines de manifestants de se regrouper, a constaté un journaliste de l'AFP.
Pays le plus peuplé d'Afrique, le Nigeria traverse une grave crise économique, à la suite de réformes mises en place par le président Bola Ahmed Tinubu, arrivé au pouvoir en mai 2023. L'inflation des denrées alimentaires dépasse les 40% et le prix de l'essence a triplé.
Les participants aux manifestations, baptisées #EndbadGovernanceinNigeria ("Mettre fin à la mauvaise gouvernance au Nigeria") demandent au président de revenir sur certaines réformes, comme la suspension de la subvention aux carburants, et de "mettre fin à la souffrance et à la faim".
Selon Amnesty, six personnes ont été tuées jeudi dans la ville de Suleja près d'Abuja (centre), quatre à Maiduguri (nord-est) et trois à Kaduna (nord-ouest), lors de manifestations de milliers de personnes.
"Nos éléments, à ce stade, montrent que là où il y a eu des morts, des membres des forces de sécurité ont délibérément usé de tactiques visant à tuer alors qu'ils faisaient face à des rassemblements de personnes dénonçant la faim et la grande pauvreté", a écrit Amnesty dans un communiqué publié sur X.
De son côté, la police de Maiduguri indique que quatre personnes ont été tuées dans des explosions, sans fournir plus de détails.
- "Tinubu voleur" -
Le chef de la police a rejeté jeudi les accusations selon lesquelles des policiers auraient attaqué des manifestants, assurant qu'un policier a été tué et d'autres blessés.
Les organisateurs des manifestations, une coalition informelle de groupes de la société civile, ont promis de poursuivre leurs actions dans les prochains jours malgré les avertissements des autorités.
"Nous avons été dispersés sans ménagement, mais je pense que cela n'a fait que renforcer notre détermination", a déclaré à Abuja Damilare Adenola, 29 ans, militant et leader du groupe de défense des droits humains Take It Back ("Reprenons-le").
"La faim est la principale motivation de cette manifestation, c'est pourquoi nous demandons la fin de la mauvaise gouvernance" a-t-il ajouté.
Dans un communiqué publié sur X, le chef de la police Kayode Egbetokun a indiqué avoir "placé toutes les unités en alerte rouge" pour répondre à "des menaces à la sécurité et à l'ordre public".
La police a également déclaré dans un communiqué avoir procédé à des centaines d'arrestations jeudi dans tout le pays, parmi lesquelles 269 personnes sont accusées de "destruction, pillage et incitation au chaos" à Kano (nord), la deuxième plus grande ville du pays.
Vendredi, le calme y est revenu, mais des habitants ont indiqué à l’AFP que des centaines de personnes ont manifesté dans la ville voisine de Minjibir.
Les autorités ont imposé un couvre-feu dans cet Etat, ainsi que danx ceux de Yobe, Borno, Katsina et Jigawa, également situés dans le nord du pays.
A Lagos, la capitale économique, quelques dizaines de manifestants se sont rassemblés vendredi dans le quartier d'Ojota. Jeudi, près d'un millier de personnes avaient défilé pacifiquement, en scandant "Tinubu Ole"("Tinubu voleur" en yoruba, l'une des principales langues du pays).
Avant les manifestations de jeudi, les représentants du gouvernement avaient appelé la population à laisser le temps aux réformes de porter leurs fruits, en dressant la liste des aides proposées pour atténuer les difficultés économiques, notamment l'augmentation du salaire minimum et des livraisons de céréales.
Le dernier grand mouvement de protestation au Nigeria remonte à octobre 2020 et visait à demander la dissolution d'une unité de police accusée d'abus. Cette brigade avait été dissoute mais au moins 10 manifestants, selon Amnesty, avaient été tués. Gouvernement et l'armée avaient nié toute responsabilité.
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