L'opposition a appelé à manifester pacifiquement afin de dénoncer la répression de la junte envers les dissidents, rétablir les libertés et pour demander un retour à un régime civil avant la fin de l'année, une perspective très improbable.
Mais leur appel n'a pas été suivi, selon un correspondant de l'AFP, qui a noté que l'activité économique a été néanmoins réduite dans la capitale. Personne n'a manifesté jeudi, alors que la pluie s'est abattue une grande partie de la journée et que les forces de l'ordre et des blindés de l'armée ont massivement investi l'espace public.
La répression des manifestations, systématiquement interdites, a fait 47 morts entre septembre 2021 et avril 2024 selon Amnesty International.
Mercredi, une femme a été tuée par balle pendant des affrontements entre la police et des manifestants, touchée mortellement alors qu'elle était dans un taxi et que des échauffourées faisaient rage dans le quartier de Sonfonia, au nord de Conakry.
- Revirement -
Malick Sidibé, un fonctionnaire à la retraite, ne cache pas "sa déception et sa colère" contre le général Mamadi Doumbouya, à la tête de la junte. Il confie ne pas supporter "son double langage" et son revirement sur la promesse de céder la place à un régime civil d'ici la fin 2024. Un engagement qu'il avait pris sous la pression internationale, et sur lequel la junte est revenue.
Dans un entretien jeudi au programme de RFI en fulfulde, le Premier ministre Amadou Oury Bah a assuré que l'objectif était d'organiser un référendum pour une nouvelle Constitution d'ici la fin de l'année, sans engagement catégorique. "Nous demandons aux populations de bien comprendre que les travaux que nous faisons en ce moment n’ont jamais été faits auparavant", a-t-il déclaré.
Le général Doumbouya doit rentrer de Chine, où il se trouvait pour le sommet du Forum sur la coopération Chine-Afrique.
Aucune activité officielle n'est prévue pour les trois ans de l'avènement de cette junte qui a succédé au président Alpha Condé, président civil qui était au pouvoir depuis plus de dix ans et avait provoqué des mois de contestation qui ont fait des dizaines de morts lorsqu'il s'était présenté à un troisième mandat.
Sous le régime de Doumbouya, nombre de dirigeants de l'opposition ont été arrêtés, mis en cause devant les juges ou poussés à l'exil. Le 9 juillet, deux responsables du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), un mouvement citoyen qui réclame le retour des civils au pouvoir en Guinée, Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, ont été arrêtés.
Depuis, ces opposants ont disparu et plus personne n'a reçu de leurs nouvelles, si ce n'est un membre de leur collectif qui a témoigné de leur brutale arrestation par des hommes armés, sans qu'il soit possible de corroborer ce témoignage de source indépendante.
- Disparition -
Leurs épouses ont pris la parole jeudi dans une lettre ouverte. "Nous prenons le peuple de Guinée et la communauté internationale à témoin sur la volonté manifeste de la junte au pouvoir d'éliminer nos maris", disent-elles, demandant au chef de la junte l'accès à leurs époux.
Le procureur général de Guinée a nié toute arrestation et ordonné des enquêtes sur la disparition des deux militants. "Aucun établissement pénitentiaire du pays ne détient ces personnes faisant objet d'enlèvement", avait-il affirmé mi-juillet.
Le 30 août, l'ambassade des Etats-Unis en Guinée s'est dite "profondément préoccupée par la disparition et le bien-être" des deux hommes, une rare réaction au sein de la communauté internationale.
"Sur le plan diplomatique, la junte a hérité d'un portefeuille diversifié, avec plusieurs partenaires majeurs: la France, les États-Unis, la Chine, la Russie et la Turquie, ainsi que les Émirats arabes unis et le Rwanda", explique jeudi Vincent Foucher, chercheur au Centre national de recherche scientifique (CNRS) sur son compte X.
"Cette diversité donne à la junte une marge de manoeuvre. La France (l'ancienne puissance coloniale) se garde de critiquer les excès de la junte pour éviter d'être écartée comme elle l'a été au Sahel. D'où son silence", commente-t-il.
Les autorités ont retiré le 22 mai leur agrément à quatre radios et deux télévisions parmi les principaux médias privés de Guinée.
Lundi, elles ont suspendu la délivrance des agréments aux associations et aux organisations non-gouvernementales en raison des "actions de trouble à l'ordre public menées sur le terrain par plusieurs ONG et mouvements associatifs", selon ces autorités.
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