"Les deux autres candidats, on ne les connaît même pas", concède-t-elle en sortant du bureau de vote. "Mais on voit le changement quand on rentre au pays: la corruption, l'insécurité, Abdelmadjid Tebboune a fait beaucoup!". "Grâce à lui, on parle de l'Algérie dans le monde entier", ajoute avec fierté son amie Zozoa.
Crissement de pneus. Une voiture aux vitres fumées s'arrête sous le regard hostile d'une douzaine d'agents des services de sécurité algériens postés aux abords du consulat. Le conducteur, un quarantenaire qui ne "vote pas", tient à donner son avis, mais de manière anonyme: "Tout le monde sait que le scrutin n'est ni libre, ni transparent, mais si je vous parle, je ne pourrai plus rentrer au bled", lâche-t-il avant de redémarrer en trombe.
Allusion au "climat de peur" régulièrement dénoncé par les défenseurs des droits de l'homme durant la campagne, dans un pays tenu d’une main de fer par un pouvoir dont l'influence s’étend visiblement au-delà des frontières.
Si le scrutin est prévu samedi en Algérie, les électeurs ont commencé à voter dès lundi à l'étranger et notamment en France - plus gros contingent avec presque la moitié des 865.490 inscrits de la diaspora, selon l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE). En tout, plus de 150 bureaux de vote ont été ouverts dans une vingtaine de villes françaises.
- "J'aime mon pays, j'irai voter" -
Baisse du prix des billets d'avion à destination d'Alger pendant les vacances, élargissement du système de retraite ou possibilité de créer des microentreprises aidées pour les jeunes... Sous Tebboune, les Algériens de l'étranger ont été largement courtisés par le pouvoir pour qui l'enjeu principal de ce scrutin sera la participation, de l'avis de la plupart des observateurs.
"Le principal objectif du régime est de résorber la crise légitimité qui a découlé de la présidentielle de 2019, lors de laquelle l'abstention avait battu des records historiques, autour de 60%", après le déclenchement d'un mouvement de contestation populaire ("Hirak") inédit qui avait contraint l'ex-président Abdelaziz Bouteflika à la démission, décrypte pour l'AFP le chercheur Raouf Farrah, basé en Tunisie après avoir purgé huit mois de prison dans son pays en 2023.
Or, "cette élection se déroule dans un climat d'indifférence généralisée face à l'absence totale de suspense sur l'issue du vote", dit-il: "La société algérienne dans son ensemble est comme écrasée, presque résignée".
Médias d'Etat, influenceurs et collectifs de la diaspora ont donc été mis à contribution pour inciter les gens à se déplacer, à l'instar du quotidien El-Moudjahid, qui rappelle "l'importance de participer massivement au scrutin", tandis que le Mouvement dynamique des Algériens de France (Moudaf), soutien affiché du président sortant, mène campagne sur le terrain et les réseaux sociaux avec le slogan "J'aime "bladi" (mon pays), j'irai voter".
- Appels au boycott -
C'est sans compter le bras de fer engagé par les détracteurs du régime, opposants et militants nombreux à vivre à l'étranger, qui tentent de faire entendre leurs voix pour dénoncer la répression qui s'est accélérée selon eux ces dernières semaines en Algérie.
Une tribune signée par une centaine d'intellectuels algériens en exil ou encore l’Appel de la Diaspora algérienne, collectif dénonçant le "climat de terreur (...) destiné à réduire au silence toute voix discordante", rejettent le principe même de cette élection.
"Nous appelons les gens à rester chez eux, à ne pas sortir pour montrer que le pouvoir ment et que l'affluence reste faible malgré la mobilisation annoncée", explique à l'AFP le militant Ilyas Lahouazi.
Depuis le Canada, où des bénévoles se relaient du matin au soir devant le consulat pour tenir leur propre décompte de la participation, Zakaria Hannache, qui fut l'un des visages du Hirak, déplore "l'augmentation notable des arrestations, convocations policières ou durcissement des contrôles judiciaires" dans le pays. "Selon la liste que je tiens, il y a actuellement 226 détenus d'opinion, mais c'est probablement en-deçà de la réalité car les familles ont peur de parler", affirme-t-il.
Amnesty International dénonce pour sa part la "série d’amendements législatifs alarmants ainsi que de nouvelles lois qui ont porté un dur coup aux droits humains". "Les autorités algériennes persistent à utiliser de fausses accusations de terrorisme pour faire taire la dissidence pacifique, notamment les appels à un changement politique", relève notamment l'ONG.
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