RDC : retrait burundais, déploiement ougandais, les combats s'étendent

Publié le 20 févr. 2025 à 08:25

  • RDC : retrait burundais, déploiement ougandais, les combats s'étendent

Le Burundi a discrètement retiré mercredi des troupes engagées dans l'est de la République démocratique du Congo face à l'avancée des combattants du M23 et de ses alliés rwandais, tandis que, plus au nord, des troupes ougandaises sécurisaient une importante ville congolaise.

Ces manœuvres militaires interviennent dans un contexte très tendu dans la région instable des Grands Lacs, avec une progression éclair du groupe armé antigouvernemental M23 qui s'est emparé dimanche de la ville de Bukavu, capitale provinciale du Sud-Kivu, après avoir pris fin janvier Goma, grande ville et nœud économique du Nord-Kivu.

Ces dernières semaines, les combats ont fait des milliers de morts selon l'ONU et font craindre une répétition de ce que l'on a appelé la deuxième guerre du Congo (1998-2003) qui a duré jusqu'en 2003, impliquant de nombreux pays africains et entraînant des millions de morts par la violence, les maladies et la famine.

Depuis 2023, le Burundi avait déployé environ 10.000 soldats en soutien à l'armée congolaise. Mais des sources militaires et officielles ont indiqué mercredi que Bujumbura retirait discrètement des troupes, malgré les démentis officiels.

"Nous avions érigé une ligne de défense à Kamanyola pour essayer d'arrêter l'avancée du M23 et des soldats rwandais, mais nous avons dû opérer un repli tactique sous l'attaque ennemie hier (mardi)", a dit à l'AFP un haut gradé. Kamanyola est située au sud de Bukavu, près des frontières rwandaise et burundaise.

Depuis, "une partie de nos troupes déployées dans l'est de la RDC sont en train de regagner le pays à pied", a-t-il ajouté. Cette information a été confirmée par un haut cadre burundais à l'AFP.

Certains soldats "ont été obligés, à chaque fois, de reculer en subissant des pertes (…) Ils arrivent affamés et sans plus de munition car cela fait un moment qu'ils n'ont pas été ravitaillés", a précisé ce responsable.

Les troupes burundaises combattent le M23 aux côtés des forces congolaises depuis plusieurs semaines, exacerbant la fracture diplomatique entre Kigali et Bujumbura qui s'accusent mutuellement d'alimenter les tensions communautaires dans une région marquée par le génocide de 1994.

Le 12 février, le président du Burundi Evariste Ndayishimiye avait mis une nouvelle fois Kigali en garde : "Celui qui va nous attaquer, nous allons l'attaquer". Fin janvier, il avait déjà affirmé que Kigali était "en train de préparer quelque chose contre le Burundi." Par le passé, il avait même qualifié le Rwandad'"ennemi".

L'avancée des combattants du M23 a déjà fait des milliers de morts et contraint de nombreux habitants à fuir les violences.

- Enfants exécutés -

Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a accusé mardi ce groupe armé allié à des troupes rwandaises d'avoir exécuté des enfants lors de la prise de Bukavu. "Nous demandons au Rwanda et au M23 de veiller à ce que les droits humains et le droit humanitaire international soient respectés", a déclaré une porte-parole, Ravina Shamdasani.

Kinshasa accuse Kigali de vouloir contrôler l'exploitation et le commerce de minerais - dont le sous-sol de l'Est de la RDC est riche - utilisés dans les batteries et les équipements électroniques.

Le Rwanda dément, et affirme que sa sécurité est menacée par certains groupes armés présents dans la région, notamment les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), créées par d'anciens responsables hutu du génocide des Tutsis au Rwanda.

C'est dans ce contexte particulièrement volatil que l'Ouganda a déclaré mercredi que ses troupes sécurisaient la ville de Bunia, dans l'est de la RDC, en collaboration avec les forces congolaises, afin de repousser des milices locales.

Située près du lac Albert et de l'Ouganda, Bunia est régulièrement le théâtre d'attaques meurtrières de groupes armés, notamment du M23 et des Forces démocratiques alliées (ADF), à l'origine des rebelles ougandais majoritairement musulmans.

L'Ouganda a été accusé par des experts de travailler aussi contre les intérêts de la RDC en soutenant le M23, lui permettant d'utiliser le territoire ougandais comme voie d'approvisionnement - des accusations que le pays a fermement rejetées.

Selon un analyste du cabinet de conseil basé en Afrique du Sud, Signal Risk, le déploiement ougandais n'a pour l'instant rien "à voir avec le conflit du M23". "L'Ouganda est pour l'instant assez éloigné de l'endroit où se trouve le M23", a indiqué Daniel van Dalen à l'AFP. Mais "l'Ouganda s'inquiète d'un débordement dans son territoire et est prêt à aider".