Autour de Sir Bou Naïr, petite île située à moins de 100 kilomètres des côtes émiraties, 118 équipes se préparent à participer à Al-Gaffal, compétition annuelle de navigation à bord de "dhow" (un boutre, en français), voilier arabe traditionnel en bois.
Sur une mer peu agitée mais sous un soleil accablant, l'équipage de l'un des voiliers tente de toutes ses forces de hisser la gigantesque voile blanche, la dizaine de coéquipiers tirant à bout de bras sur des cordes.
Après quelques secondes, la voile se déploie enfin. Place désormais à un nouveau défi: maintenir l'équilibre du bateau, sous les cris du skippeur en kandoura blanche, la robe portée par les hommes dans le riche émirat du Golfe.
- Tradition -
En pleine mer, au soleil couchant, Abdallah Al-Mheiri dit avoir repris le flambeau des hommes de sa famille.
"J'ai commencé il y a dix ans quand j'avais 23 ans avec mon père et mes frères. Et aujourd'hui, je continue seul", raconte à l'AFP ce fonctionnaire, après avoir soigneusement renoué sur sa tête une ghutra blanche, le keffieh portée par les hommes.
Pour Abdallah Al-Mheiri, concourir participe à un devoir de mémoire, le mot Al-Gaffal renvoyant au retour des pêcheurs qui, après un périple en mer, rejoignaient les côtes de Dubaï.
Avant la découverte du pétrole, les Emirats arabes unis, dont Dubaï fait partie, étaient une contrée largement désertique vivant surtout du commerce maritime, en particulier de la pêche à la perle. Après la création de l'Etat indépendant dans les années 1970, les Emirats se développent à un rythme effréné, pour devenir la deuxième économie du monde arabe après l'Arabie saoudite.
Carrefour mondial de la finance, du transport aérien et des influenceurs, Dubaï, désormais pauvre en pétrole, a connu l'ascension la plus spectaculaire, en misant sur le tourisme de luxe, les attractions pharaoniques et un secteur immobilier hyperactif.
Mais Abdallah Al-Mheiri préfère prendre le large, loin des photos clichées prises dans des restaurants branchés et publiées sur Instagram.
Pour lui, il est important que la course parte de l'île de Sir Bou Naïr, qui abrite une réserve naturelle protégée. "On vit avec la mer depuis des centaines d'années. Il y a une vraie relation entre la mer et nous, donc préserver l'environnement est un devoir", estime le jeune homme, avant de rejoindre ses coéquipiers qu'il appelle d'un petit geste de la main.
- Réserve naturelle -
Selon l'Unesco, Sir Bou Naïr est "l'un des sites de nidification les plus importants de tout le golfe arabo-persique pour les tortues imbriquées", espèce en danger critique d'extinction. L'île contient également d'autres éléments significatifs comme "ses formations géologiques, sa flore naturelle et ses oiseaux marins".
Les organisateurs d'Al-Gaffal mettent l'accent sur la préservation du patrimoine mais, avec les inquiétudes croissantes sur les risques écologiques, la compétition tient à se présenter comme exemplaire sur le plan environnemental avec très peu d'émission de CO2, grâce à ses voiliers traditionnels.
"L'un des messages les plus importants que l'on met en avant est la transmission de ce patrimoine de génération en génération. Mais c'est aussi le fait qu'il soit sans danger pour la nature", assure à l'AFP Mohammed Al-Falahi, directeur de la compétition.
"Nous n'oublions pas que l'île de Sir Bou Naïr est une réserve naturelle qui abrite de nombreuses espèces de tortues présentes dans la région (du Golfe)", ajoute le responsable.
Le lendemain aux aurores, les équipes se tiennent prêtes dans la pesante chaleur humide. Les voiles sont hissées, le vent commence finalement à souffler et les boutres s'élancent enfin, dans un décor bleu entre le ciel et la mer.
Après quelques heures, apparaît au loin le rivage de Dubaï avec ses tours et Burj al-Arab, un célèbre hôtel de luxe en forme de voile.
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