Le Parc national de la Marahoué : un bouclier vert pour les communautés locales face au changement climatique

Publié le 7 sept. 2023 à 12:41

  • Le Parc national de la Marahoué : un bouclier vert pour les communautés locales face au changement climatique

Le changement climatique est un défi mondial qui affecte de manière significative la planète terre, et les communautés locales, en particulier celles vivant à proximité de zones sensibles comme le Parc National de la Marahoué, ne font pas exception. Mais quelle est la perception des populations riveraines de ce parc sur le rôle crucial des aires protégées dans leur résilience face aux bouleversements climatiques ? Nous sommes allés à leur rencontre.

Situé à 350 km au nord-ouest d'Abidjan, capitale économique ivoirienne, notamment à proximité de l'axe routier Bouaflé-Daloa, le Parc National de la Marahoué est un joyau de biodiversité qui abrite une faune et une flore variées. Bordé par le fleuve Marahoué, encore appelé le Bandama rouge, le parc occupe une superficie de 101 000 hectares et joue un rôle essentiel dans la régulation du climat local, tout en offrant un habitat vital pour de nombreuses espèces animales et végétales menacées.

Historique du parc national de la Marahoué

À l’instar de la plupart des pays africains, la politique de création des aires protégées ivoiriennes date de l’époque coloniale.

En effet, 75% des composantes du réseau d’aires protégées de la Côte d’Ivoire ont été initiées par les colons.

En 1956, les populations autochtones Gouro de la région de la Marahoué au centre ouest de la Côte d’Ivoire ont accepté de céder d’importantes portions de leurs terres ancestrales qui vont constituer, à partir de 1968, le patrimoine foncier du parc national de la Marahoué.

Ainsi donc au motif de l’impératif de conservation de la nature, ces populations autochtones ont accepté de manière souvent coercitive de renoncer à leurs droits coutumiers sur un domaine foncier d’environ 101.000 hectares au profit de l’administration postcoloniale.

Les populations riveraines se sentent lésées

Soixante-sept ans après sa création, les populations riveraines du parc national de la Marahoué dépendent étroitement de ses ressources naturelles pour leur subsistance : L'agriculture, la pêche et la collecte de produits forestiers non ligneux sont des activités essentielles pour leur économie.

Cependant, au fil des ans, ces populations assistent impuissamment à l’occupation de leurs anciennes terres par des groupes de migrants tacitement encouragés par les pouvoirs publics.

Aujourd’hui, ce sont plus de 50.000 exploitants migrants qui y vivent devant des autochtones Gouro de plus en plus minoritaires et retranchés dans leurs villages qui sont riverains au parc.

Dans ces conditions, ces populations qui se considèrent comme les ayants droit légitimes des terres du parc de la Marahoué se sentent spoliées de leur patrimoine ancestral au bénéfice des migrants.

Cette situation est à la base de la crispation des rapports sociaux entre les principaux acteurs du système de gestion du parc ; ce qui annihile les rares efforts de conservation encore mis en œuvre dans cette aire protégée.

Toutefois, les communautés autochtones sont de plus en plus confrontées aux effets néfastes du changement climatique, tels que les sécheresses, les inondations et les tempêtes plus fréquentes et plus violentes, comme le témoignage ici, Gonécalo Joseph-Meshac du village de Blablata, localité située sur l’axe Bouaflé-Bonon-Daloa sur la voie nationale A6.

"Aujourd’hui, il est rare d’avoir du gibier, sans oublier la pluviométrie qui se fait de plus en plus rare. Ceci a un impact très néfaste sur les cultures pérennes telles que le café, le cacao et l’anacarde tout comme sur les cultures vivrières dans le département de Bouaflé".

Continuant sur sa lancée, il a ajouté que "le parc n’est plus une bénédiction du ciel pour les agriculteurs", mais plutôt "une épine dans le pied des paysans".

C’est dans ce contexte que la perception des populations locales sur le rôle du Parc National de la Marahoué dans leur résilience face au changement climatique devient cruciale.

Pour Irié Fabrice Zah Bi, du village de Tibéita, "il revient à l’Etat de Côte d’Ivoire de prendre ses responsabilité en faisant de la restauration du couvert végétal et de la faune du parc national de la Marahoué, une urgence étatique".

"Aujourd’hui, le parc n’existe que de nom. Tout y a été dévasté", a-t-il précisé.

De nombreuses études montrent que les aires protégées, comme ce parc, contribuent à atténuer les effets du changement climatique en maintenant les écosystèmes, en stockant du carbone et en régulant les régimes hydrologiques.

Ces avantages ne profitent pas seulement à la nature, mais également aux communautés humaines qui en dépendent.

Cet avis est partagé par Kouamé Achille de l’ONG Afrique Nature International.

Pour lui, "le parc national de la Marahoué se positionne au premier rang des aires protégées les plus humanisées de la Côte d’Ivoire."

En effet, le parc national de la Marahoué a été, depuis sa création, la cible des activités anthropiques et d’une installation humaine permanente.

Ce phénomène s’est amplifié avec les différentes crises socio-politiques qui ont secoué la Côte d’Ivoire, notamment celles de 2002 et 2011, qui apparaissent comme le point de rupture du processus de transformation d'espaces, de paysages ou de milieux naturels par l'action de l'homme, que connaissait le parc depuis sa création.

Pourtant, la sensibilisation et l'engagement des populations locales en faveur de la conservation de cette aire protégée ne sont pas uniformes. Certains perçoivent le parc comme une contrainte à leur développement économique, tandis que d'autres reconnaissent les avantages à long terme qu'il offre en termes de protection contre les catastrophes climatiques et de préservation de la biodiversité.

Interrogé à cet effet, l’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR) n’a pas donné suite à notre préoccupation. Idem pour la société de développement des forêts (SODEFOR) qui nous a promis une réaction qui n’est jamais venue.

Il est essentiel d'impliquer activement les communautés locales dans la gestion et la préservation du parc, tout en leur fournissant des moyens de subsistance durables par l’action environnementale, le renforcement des capacités locales et le développement d'alternatives économiques compatibles avec la conservation sont des mesures cruciales pour garantir que le Parc National de la Marahoué continue de jouer son rôle vital dans la résilience des populations riveraines face au changement climatique.

Le Parc National de la Marahoué est bien plus qu'un espace naturel préservé ; il est un bouclier vert pour les communautés locales contre les ravages du changement climatique.

La perception des populations riveraines évolue, et il est impératif de travailler en collaboration pour assurer la préservation à long terme de ce précieux écosystème et la résilience des communautés qui en dépendent.