Brandissant les drapeaux de leurs pays sur la corniche de Doha, Tunisiens, Egyptiens, Marocains, Libanais ou encore Jordaniens ont rejoint les fans saoudiens pour célébrer en fanfare ce succès spectaculaire (2-1) mardi face à l'équipe de Lionel Messi, star du ballon rond adulée dans le monde arabe.
"C'est une victoire historique pour l'Arabie saoudite, et une grande victoire pour tous les Arabes", se félicite Ahmed al-Qassem. "Je suis content de cette victoire footballistique magnifique", se réjouit ce supporter jordanien de 24 ans, ajoutant plus discrètement qu'il n'est toutefois "pas partisan de la politique du régime saoudien".
Comme en Occident, l'image de la puissante monarchie pétrolière du Golfe n'est pas des plus reluisantes dans le monde arabe, où on lui reproche une insolence financière, un ultra conservatisme religieux ou des ingérences dans les affaires intérieures des autres pays.
Mais depuis mardi, partout dans la région, les réseaux sociaux voient fleurir des posts célébrant l'exploit des Faucons verts, moquant parfois l'échec des Argentins à coups de mèmes. Burj Khalifa, la tour la plus haute du monde, située à Dubaï, s'est illuminée aux couleurs du pays voisin.
- "Page tournée" -
Après le match, qui a fait sensation au niveau mondial, même les Qataris ont redoublé de klaxons et agité les drapeaux des deux pays, oubliant le boycott de plus de trois ans mené par l'Arabie saoudite contre Doha, l'une des pires crises diplomatiques connues dans le Golfe.
En juin 2017, l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, ainsi que l'Egypte, avaient rompu leurs relations avec le Qatar, l'accusant de soutenir des groupes extrémistes et de semer la zizanie dans la région, ce que Doha a toujours démenti. Les cinq pays se sont officiellement réconciliés en janvier 2021.
"En fin de compte, nous ne faisons qu'un dans un Golfe uni", conclut une Qatarie de 36 ans se faisant appeler Anoud. "On a tourné la page du boycott", assure-t-elle à la porte d'un centre commercial, accompagnée de sa fille.
Plusieurs gratte-ciels de Doha se sont illuminé du drapeau saoudien, les journaux du Qatar ayant de leur côté célébré une victoire saoudienne "historique et fracassante", oubliant l'ère des échanges d'amabilités par presse interposée.
Dans les tribunes mardi, l'émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al-Thani, a arboré fièrement une écharpe verte, couleur de la sélection saoudienne. Deux jours plus tôt, le prince héritier de l'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, avait assisté à la cérémonie d'ouverture, drapé de la couleur bordeaux du Qatar.
- "Aller plus loin" -
Dans une région constamment bouleversée par les conflits et les crises, les sources de joie collective sont rares.
L'Arabie saoudite elle-même intervient militairement au Yémen depuis 2015 pour appuyer les forces gouvernementales qui combattent les rebelles Houthis, proches du rival iranien. A Taëz, dans le sud du Yémen, pays qui vit l'une des pires tragédies humanitaires au monde, des feux d'artifice ont retenti pour célébrer la victoire saoudienne.
Pour Nevine Mossaad, professeure de sciences politiques à l'université du Caire, la victoire saoudienne représente un "moment d'émotion particulier" et une "preuve de l'identité arabe".
"S'il n'est peut-être plus possible de parvenir à une unité politique, il existe différentes formes de panarabisme au niveau des peuples, notamment un panarabisme sportif", a-t-elle déclaré à l'AFP.
"On sent que les Arabes sont derrière nous. On est unis dans la joie", confie Khaled Abdallah, un supporter saoudien de 23 ans portant le maillot blanc et vert de son pays. Il espère que ce soutien collectif aidera l'équipe à "aller plus loin dans la compétition".
L'Arabie saoudite doit encore affronter la Pologne et le Mexique pour passer à l'étape des huitièmes de finale. Qualifiés pour six Coupes du monde, les Faucons verts n'ont dépassé la phase de groupes qu'une seule fois, en 1994.
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