La Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala et la Coréenne Yoo Myung-hee restaient seules en lice jeudi pour prétendre au poste de directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une organisation chargée de veiller à la libéralisation ordonnée des échanges internationaux mais en proie à une crise profonde.
Lundi, les deux femmes avaient eu la très importante imprimature de l'Union européenne, et l'annonce de leur deux noms par le porte-parole de l'OMC, Keith Rockwell, jeudi matin au siège de l'organisation à Genève, n'a guère surpris.
L'OMC, qui est fragilisée par les violentes attaques de l'administration Trump, a jusqu'à présent toujours été dirigée par des hommes.
Le troisième round de discussions, qui devra départager les deux prétendantes, courra du 19 au 27 octobre, "pour laisser le temps aux membres de préparer leurs réponses", a expliqué M. Rockwell, qui estime que le processus est toujours "sur les rails" pour arriver à un consensus à la date butoir du 7 novembre. Dès jeudi soir, Mme Okonjo-Iweala a eu le soutien du président sud-africain, Cyril Ramaphosa qui préside aussi l'Union africaine et qui a appelé tous les pays membres à jeter tout leur poids dans la balance pour donner à l'OMC non seulement sa première directrice générale mais aussi, pour la première fois, quelqu'un issu du continent africain.
"Au moment où il faut donner un nouveau sens aux organisations internationales, la Dr. Okonjo-Iweala est la personne qu'il faut pour repositionner l'OMC afin d'en faire un outil efficace pour encourager un système commercial juste, équitable et basé sur des règles", a écrit M. Ramaphosa dans un communiqué.
- Femmes d'expérience -
Ces deux femmes "sont particulièrement qualifiées", a souligné pour sa part M. Rockwell, ajoutant que ce sont "des personnes avec beaucoup d'expérience et qui ont l'habitude de traiter de sujets épineux".
Mme Ngozi Okonjo-Iweala, 66 ans, s'est dite "heureuse d'avoir atteint le dernier tour" sur Twitter. Elle a été la première femme de son pays à avoir dirigé les ministères des Finances et des Affaires étrangères. Economiste de formation, elle a également été directrice des opérations de la Banque mondiale.
Jusqu'à très récemment elle a aussi présidé l'Alliance mondiale pour les vaccins et vaccinations (Gavi) et piloté l'un des programmes de l'Organisation mondiale de la santé dans la lutte contre le Covid-19.
"Je suis profondément reconnaissante et honorée d'avoir été sélectionnée pour le dernier tour", a tweeté Yoo Myung-hee, 53 ans. "Il nous faut un nouveau dirigeant capable et expérimenté qui puisse restaurer la confiance et rendre sa pertinence à l'OMC", a ajouté celle qui a été la première femme de son pays à avoir dirigé le ministère du Commerce.
Elle a pris en charge en 1995 le dossier OMC au ministère du Commerce puis dirigé les négociations sur des accords de libre-échange, notamment celui liant la Chine à la Corée du Sud. Elle a également travaillé auprès de l'ambassade sud-coréenne en Chine (2007-2010).
Liam Fox, ancien ministre du Commerce extérieur britannique, pro-Brexit, la candidate kényane Amina Mohamed et le Saoudien Mohammed Al-Tuwaijri ont retiré leur candidature jeudi, comme le veut la tradition.
- Lourde tâche -
L'une de ces deux femmes devrait donc succéder au Brésilien Roberto Azevedo, parti fin août de l'OMC, un an plus que tôt que prévu pour raisons familiales, en plein marasme économique mondial, laissant l'institution en crise. Le prochain chef de l'institution devra affronter la crise économique mais aussi la crise de confiance dans le multilatéralisme et dans le bien fondé de la libéralisation du commerce mondial, le tout sur fond de guerre commerciale entre les deux premières puissances économiques mondiales, la Chine et les Etats-Unis. "Il est évident que celle qui décrochera le poste aura fort à faire dès son premier jour de travail", a reconnu le porte-parole. Washington, s'estimant "inéquitablement" traité par le gendarme du commerce mondial, a menacé de quitter l'organisation, dont il réclame la refonte, et paralyse depuis décembre le tribunal d'appel de son organe de règlement des différends.
La donne pourrait bien sûr totalement changer en fonction des résultats de l'élection présidentielle du 3 novembre, si Donald Trump est défait par son adversaire démocrate Joe Biden, qui a été le vice-président de Barack Obama pendant huit ans. Mais pour l'heure, les craintes que la campagne américaine ne paralyse le processus ne se sont pas matérialisées. "Je ne crois pas que la situation politique d'un quelconque pays ait fait partie de l'équation", a estimé M. Rockwell.
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