France : Le texte "sécurité globale" adopté à l'Assemblée dans un contexte sous haute tension

Publié le 24 nov. 2020 à 18:44 Modifié le 29 sept. 2022 à 15:58

  • France : Le texte "sécurité globale" adopté à l'Assemblée dans un contexte sous haute tension

Une très controversée proposition de loi sur la "sécurité globale" qui pénalise notamment la diffusion malveillante de l'image des policiers, a été adoptée mardi par l'Assemblée nationale française, au moment où les images de policiers brutalisant des migrants et un journaliste enflamment le débat dans le pays.

Une très controversée proposition de loi sur la "sécurité globale" qui pénalise notamment la diffusion malveillante de l'image des policiers, a été adoptée mardi par l'Assemblée nationale française, au moment où les images de policiers brutalisant des migrants et un journaliste enflamment le débat dans le pays.


Honnie par ses opposants, la proposition de loi présentée par la majorité présidentielle -- LREM et son allié Agir -- a reçu un large feu vert de l'Assemblée nationale, avant son examen au Sénat.

Trois articles de la proposition de loi ont cristallisé passions et antagonismes ces derniers jours, entraînant des manifestations à Paris et en province à l'appel d'un large collectif de syndicats de journalistes, de réalisateurs de documentaires ou films, d'associations de défense des droits de l'homme... 


Parmi ces articles, le 24e : pour "protéger ceux qui nous protègent", jetés "en pâture sur les réseaux sociaux", la majorité veut pénaliser d'un an de prison et 45.000 euros d'amende la diffusion de "l'image du visage ou tout autre élément d'identification" de membres des forces de l'ordre en intervention, quand elle porte "atteinte" à leur "intégrité physique ou psychique". 

Cette mesure est plébiscitée par les syndicats policiers, mais suscite une levée de boucliers à gauche et chez les défenseurs des libertés publiques, pour l'"atteinte disproportionnée" à la liberté d'informer. Ils font valoir que des affaires de violences policières ces dernières années ont pu être dénoncées car elles avaient été capturées par une caméra.

Or, la proposition de loi a été votée au lendemain de la violente évacuation d'un campement de migrants clandestins qui s'étaient installés lundi soir place de la République, en plein coeur de Paris. Les images de policiers brutalisant des migrants et un journaliste en particulier sont venues apporter de l'eau au moulin de ses opposants.


- "Corrections" promises au Sénat -

La police des polices, l'IGPN, a été saisie des événements de lundi soir et le parquet de Paris a annoncé mardi avoir ouvert deux enquêtes relatives à des faits de "violences" dont sont soupçonnés des policiers sur un migrant et sur un journaliste.


Le Sénat, qui doit à son tour examiner la proposition de loi, a pour sa part l'intention de "corriger" le texte, selon le sénateur LR (opposition de droite) Philippe Bas.

De son côté le Premier ministre Jean Castex, tout en déplorant des "procès d'intention", a renvoyé aux futurs débats parlementaires "le soin de l'améliorer davantage et de clarifier ce qui mérite encore de l'être".


Il a aussi annoncé qu'il saisirait lui-même le Conseil constitutionnel sur l'article 24, à l'issue du processus législatif. Dans une tentative de calmer les oppositions, le gouvernement avait déjà révisé la copie : après d'âpres débats vendredi dans l'hémicycle, le futur délit ne pourra finalement porter "préjudice au droit d'informer" et l'intention malveillante contre les forces de l'ordre devra être "manifeste".


Mais d'autres dispositions sur la libéralisation de l'usage des caméras-piétons au bénéfice des forces de l'ordre, ou l'usage des drones, hérissent les défenseurs des libertés fondamentales. La gauche, au diapason de personnalités de la société civile et des milliers d'opposants ayant manifesté samedi dans plusieurs villes de France, réclame le retrait d'un texte jugé "liberticide", critiqué, en France, par la Défenseure des droits mais aussi par les rapporteurs des droits de l'homme de l'ONU. 


La Commission européenne a elle rappelé lundi que les journalistes devaient pouvoir "faire leur travail librement et en toute sécurité".