Deux ans de prison ferme requis contre l'ex-président français Nicolas Sarkozy

Publié le 8 déc. 2020 à 20:00 Modifié le 29 sept. 2022 à 16:03

  • Deux ans de prison ferme requis contre l'ex-président français Nicolas Sarkozy

Quatre ans de prison, dont deux ferme, ont été requis mardi contre l'ancien président français Nicolas Sarkozy, jugé pour corruption et trafic d'influence, dans un procès inédit en France.

Quatre ans de prison, dont deux ferme, ont été requis mardi contre l'ancien président français Nicolas Sarkozy, jugé pour corruption et trafic d'influence, dans un procès inédit en France.


A l'issue de près de cinq heures d'un réquisitoire méthodique et aride, le procureur financier Jean-Luc Blachon a demandé les mêmes peines pour les deux autres accusés dans ce procès, l'ex-haut magistrat Gilbert Azibert et Thierry Herzog, avocat historique de l'ancien président, demandant pour ce dernier qu'elle soit assortie de cinq ans d'interdiction professionnelle.


"Les faits ne se seraient pas produits si un ancien président, avocat par ailleurs, avait gardé présent à l'esprit la grandeur, la responsabilité, et les devoirs de la charge qui fut la sienne", a lancé le procureur.

"La République n'oublie pas ses présidents, ne serait-ce que parce qu'ils font l'Histoire. A l'inverse, on ne peut pas admettre d'un ancien président qu'il oublie la République et ce qu'elle porte depuis plusieurs décennies: un Etat de droit", a poursuivi M. Blachon.


Dénonçant les "effets dévastateurs de cette affaire qui vient cogner les valeurs de la République", le magistrat financier a estimé qu'elle avait "abîmé" l'institution judiciaire, la profession d'avocat et l'image présidentielle.


Au lendemain des fermes dénégations de Nicolas Sarkozy à la barre, les deux représentants de l'accusation ont entamé en milieu d'après-midi la démonstration du "pacte de corruption" noué selon eux début 2014 entre les trois hommes. 


L'ancien président (2007-2012) est soupçonné d'avoir conclu un "pacte de corruption" en 2014, en obtenant des informations protégées par le secret, via son avocat Thierry Herzog, auprès du haut magistrat Gilbert Azibert, sur un pourvoi à la Cour de cassation.


Ce dernier est aussi soupçonné d'avoir tenté d'influer sur la procédure, en échange de la promesse d'un "coup de pouce" pour un poste à Monaco - qu'il n'a finalement jamais eu.

S'appuyant sur des pièces du dossier projetées sur un écran de la salle d'audience, les procureurs financiers ont décrit un "entrisme au sein de la plus haute juridiction judiciaire" et une "dissimulation" par "l'utilisation de lignes téléphoniques occultes".


Selon eux, Nicolas Sarkozy a bien obtenu, via son avocat, des informations couvertes par le secret auprès de Gilbert Azibert, au sujet d'une procédure à la Cour de cassation dans un autre dossier, l'affaire Bettencourt. 


  - "Pas une vengeance" -

Pour preuves: des conversations enregistrées sur une ligne officieuse . Il est établi "de façon certaine" que le haut magistrat, alors avocat général d'une chambre civile de la plus haute juridiction judiciaire et "homme de réseaux", a récupéré et transmis des "informations confidentielles" à son ami Thierry Herzog, a affirmé l'autre procureure, Céline Guillet. 


La procédure a été "viciée" par cette "violation du secret du délibéré", un secret qui est protégé "de façon" absolue", a-t-elle insisté. La contrepartie ? Une conversation montre "de façon accablante" que Nicolas Sarkozy a promis d'intervenir en faveur de Gilbert Azibert pour un poste à Monaco, a-t-elle souligné. Et peu importe que ce dernier n'ait jamais été nommé: "la seule promesse clairement formulée (...) suffit à caractériser les deux infractions" de corruption et trafic d'influence.


Avant ces réquisitions et après plusieurs jours de débats tendus, le chef du parquet national financier (PNF) Jean-François Bohnert était venu en personne en "soutien" à ses deux collègues.  "Personne ici ne cherche à se venger d'un ancien président de la République", a déclaré M. Bohnert, répondant aux nombreuses critiques contre le PNF des derniers mois et sa remise en cause par la droite.  Alors que l'audience était levée, Nicolas Sarkozy a quitté la salle sans faire de déclaration, laissant ce soin à son avocate Jacqueline Laffont. 


Ces réquisitions sont "en décalage total" avec les débats, pendant lesquels le parquet a été "muet" et "chaque jour mis devant les failles, l'inexistence et la vacuité" de son accusation, a brocardé Me Laffont. 

Son client est "en pleine confiance" et il sera "très facile" de "démonter" ces réquisitions, a-t-elle assuré. Les plaidoiries de la défense sont prévues mercredi et jeudi.