La nouvelle chef de l'Organisation mondiale du commerce, la nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, va devoir rapidement relancer une OMC paralysée, au moment où l'économie mondiale est ravagée par la pandémie et le multilatéralisme au plus bas.
Voici les défis qui l'attendent dès son entrée en fonction le 1er mars.
- Conférence ministérielle
La Conférence ministérielle, organe de décision suprême de l'OMC, se réunit une fois tous les deux ans, habituellement en fin d'année. Cette réunion est d'autant plus importante que de nombreuses capitales l'utilisent comme date butoir pour faire avancer les négociations commerciales.
Après la Conférence ministérielle de décembre 2017 en Argentine, la prochaine réunion aurait dû avoir lieu, en raison des conditions hivernales rigoureuses, en juin 2020 au Kazakhstan.
Mais le Covid-19 a forcé à repousser l'échéance sine die. Dr Ngozi plaide pour une réunion avant fin 2021, mais ce sont les membres de l'OMC qui devront en décider, par consensus, sans doute les 1er et 2 mars.
- Multilatéralisme
Diplomates et experts s'accordent à dire que l'OMC s'avère être depuis des années impuissante à relancer des négociations d'envergure. Pourtant, les thèmes ne manquent pas. Certaines discussions (coton, subventions à la pêche) piétinent, tandis que celles sur des thématiques plus actuelles, comme les négociations sur le commerce électronique lancées en janvier 2019 au niveau plurilatérale, peinent à décoller, risquant de placer l'OMC en décalage avec son temps.
Ngozi Okonjo-Iweala a elle évoqué la thématique de l'environnement et fait de l'accord sur les subventions à la pêche - pour l'heure au point mort - une de ses priorités immédiates pour montrer que l'OMC peut encore produire des avancées multilatérales. Son prédécesseur, Roberto Azevedo, a également assisté, impuissant, aux hostilités commerciales entre les Etats-Unis, la Chine et l'Union européenne.
Les Etats-Unis et l'UE pressent d'ailleurs l'OMC de réviser le statut de la Chine, qui selon Washington usurpe son statut de pays en développement pour en tirer un avantage économique. Certains espèrent que la dimension plus politique de Dr Ngozi aide à réinjecter de la confiance dans le système entre les partenaires.
"Elle peut contribuer à renforcer le multilatéralisme en utilisant son influence mais, en fin de compte, les solutions doivent venir des membres", commente auprès de l'AFP Peter Ungphakorn, ancien membre du personnel du Secrétariat de l'OMC.
- Organe d'appel
Roberto Azevedo n'a pas réussi non plus à empêcher les Etats-Unis de tordre le bras juridique de l'OMC. L'organe d'appel du gendarme du commerce mondial, dont la nomination des juges est bloquée par Washington, n'est plus opérationnel depuis décembre 2019 faute de magistrats en nombre suffisant. La nouvelle chef de l'OMC entend trouver un accord à ce sujet avant la prochaine ministérielle.
Les critiques américaines à l'égard de la cour d'appel ne sont pas nouvelles, l'administration de l'ex-président américain Barack Obama (2009-2017) ayant déjà bloqué la nomination de juges. Elles se sont accentuées depuis l'arrivée de Donald Trump, qui l'a accusé d'outrepasser ses pouvoirs en émettant des jugements, qui, selon Washington, violent la souveraineté nationale.
"Identifier les problèmes de l'OMC avec le président Trump a été une erreur courante. Il serait tout aussi faux de croire que si le président Biden vient à débloquer la sélection des nouveaux membres de l'organe d'appel, cela rétablirait la confiance dans l'ensemble actuel des règles commerciales de l'OMC", indique à l'AFP Hector Torres, ancien conseiller juridique du secrétariat de l'Organe d'appel.
- Pandémie
La pandémie a mis à nu les désaccords au sein de l'OMC, dont les membres sont divisés à propos d'une exemption des droits de propriété intellectuelle sur les traitements et vaccins anti-Covid, une proposition déposée par l'Inde et l'Afrique du Sud et soutenue par une centaine de pays. Dr Ngozi entend régler cette question au plus vite.
Elle entend plus généralement que l'OMC fasse entendre sa voix dans la lutte contre la pandémie de Covid-19, en soutenant notamment le dispositif international Covax mis en place par l'OMS et Gavi pour distribuer des vaccins, en particulier dans les pays défavorisés. Forte de son expérience au sein de Gavi et de la Banque mondiale, elle souhaite également oeuvrer pour que les pays en développement produisent davantage de vaccins anti-Covid sur leurs territoires, afin de palier à la pénurie.
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