Une série de succès électoraux de la gauche depuis quatre ans au Mexique, en Argentine, en passant par la Bolivie ou la Colombie rappelle le début des années 2000 lorsqu'une "vague rose" avait déferlé sur le continent.
Sauf que cette fois-ci, les électeurs ont moins voté par adhésion particulière aux idées de gauche que par volonté de changement et pragmatisme après les effets dévastateurs d'une crise économique et de la pandémie de Covid-19, selon des experts.
"Il s'agit plus d'une tendance de rejet qu'autre chose, de gens qui cherchent une alternative", explique à l'AFP l'analyste Michael Shifter, de l'institut Dialogue inter-américain.
"Ce n'est pas parce que les latino-américains sont devenus plus de gauche. Je ne pense pas qu'il y ait de preuves pour soutenir cela", ajoute-t-il.
Bolsonaro a quitté le pouvoir avec un taux de rejet record (50%) pour un président se représentant.
Il s'est aliéné une partie des Brésiliens avec ses sorties racistes, sexistes et homophobes, son style agressif, ou sa gestion du Covid qui a fait plus de 687.000 morts au Brésil.
- Optimisme -
La tendance au "dégagisme" a commencé en 2018 au Mexique avec l'élection d'Andres Manuel Lopez-Obrador puis s'est poursuivie en Argentine, en Bolivie, au Pérou, au Honduras, au Chili puis enfin en Colombie en juin cette année avec l'élection du premier président de gauche dans l'Histoire du pays.
Lula, lui, fait partie de la "vague rose" initiale qui a également vu l'ascension de dirigeants de gauche tels que Evo Morales en Bolivie, Michele Bachelet au Chili, Rafael Correa en Équateur et Hugo Chavez au Venezuela.
Les deux mandats de Lula de 2003 à 2010 ont permis à quelque 30 millions de Brésiliens de sortir de la pauvreté.
"Il y avait une vague très optimiste de gouvernements de gauche qui essayaient de réduire la pauvreté, de s'attaquer aux inégalités. Et les conditions économiques étaient bien meilleures", dit à l'AFP Guilherme Casaroes, analyste politique à la Fondation Getulio Vargas.
Puis est survenue la crise financière mondiale qui a ravagé l'Amérique latine, tributaire des exportations, et déclenché un virage en masse vers la droite.
Mais cette génération de dirigeants de droite n'ont pas relevé le défi d'une crise économique aggravée par une pandémie qui a mis en évidence et accentué l'inégalité d'accès aux soins de santé et à l'éducation.
Des figures de gauche, représentant un changement, ont été propulsées au pouvoir, malgré une suspicion forte vis-à-vis du "communisme" sur ce continent.
- "Gouvernements autoritaires" -
"La droite était au pouvoir dans presque tous les pays mais pratiquement aucun de ces présidents n'a réussi à apporter de changement. Il est logique que les gens se tournent vers la gauche", analyse Leonardo Paz, consultant pour le Brésil auprès de l'ONG Groupe de crise international.
Ces dirigeants de gauche forment un groupe hétéroclite, selon M. Casaroes. "Vous avez des gouvernements autoritaires au Nicaragua et au Venezuela, un populiste de gauche au Mexique, et des gouvernements relativement faibles au Chili, en Colombie et en Argentine", estime-t-il.
Lula -- généralement considéré comme modéré et pragmatique plutôt que radical ou populiste -- aurait a priori du mal à mener à bien tout projet visant à encourager l'intégration politique ou économique régionale.
"À l'heure actuelle, à mon avis, ce virage à gauche est moins coordonné" qu'avec la première "vague rose", estime Paz.
Et ce tournant à gauche n'a rien d'inéluctable, selon M. Shifter. "Si Lula ne réussit pas, cela pourrait aller dans l'autre sens dans quatre ans".
"S'il ne satisfait pas les électeurs brésiliens, ils le rejetteront et iront vers quelqu'un qui est plus à droite", dit-il.
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