Ce dispositif, adopté par les ministres européens de l'Energie, vise à bloquer les transactions sur les marchés de gros du gaz au-delà d'un certain seuil, et empêcher ainsi toute envolée des cours qui se répercuterait in fine sur entreprises et consommateurs.
L'objectif n'est pas de diminuer structurellement les prix mais "plutôt de fonctionner comme l'airbag d'une voiture, de nous protéger en cas d'accident", c'est-à-dire d'envolée exceptionnelle des cours, a insisté la ministre belge Tinne Van der Straeten.
Assorti de strictes conditions, ce dispositif est "réaliste et efficace", a estimé de son côté le ministre tchèque Jozef Sikela, dont le pays exerce la présidence tournante de l'UE.
Le mécanisme entrera en vigueur le 15 février, pour au moins un an. En pratique, il s'enclenchera automatiquement dès que le prix du contrat mensuel (pour livraison le mois suivant) atteindra 180 euros/mégawatt-heure pendant trois jours consécutifs sur le TTF, qui sert de référence à une grande partie des transactions de gaz en Europe.
Mais à la stricte condition qu'il soit également supérieur d'au moins 35 euros au prix international moyen du gaz naturel liquéfié (GNL), afin d'éviter que les fournisseurs de GNL délaissent l'Europe au profit de clients asiatiques payant leur gaz à des prix plus attractifs.
Le contrat mensuel s'y échangeait lundi autour de 110 euros/MWh, après s'être brièvement envolé à quelque 300 euros en août.
- "¨Pas une solution miracle" -
Une fois le mécanisme enclenché, les transactions sur les contrats à terme sur le TTF, mais aussi sur les autres plateformes d'échanges, seront plafonnées pendant 20 jours --mais pas les échanges de gré-à-gré (hors des marchés régulés).
Ces contrats ne pourraient alors plus s'échanger au-delà d'un "plafond dynamique", correspondant au prix international de référence du GNL (calculé sur un panier de cours mondiaux) additionné de 35 euros --un plafond variable, permettant de s'assurer que l'Europe reste un marché attractif pour les fournisseurs par rapport aux prix proposés en Asie.
Le mécanisme sera automatiquement déactivé dès lors que le prix du contrat mensuel sur le TTF descendra sous 180 euros, ou si l'UE déclare l'état d'urgence pour l'approvisionnement de l'UE. Et le mécanisme dans son ensemble pourra être suspendu par la Commission en cas de "risques pour l'offre de gaz, la stabilité financière ou les flux de gaz au sein de l'UE".
L'accord "prévoit des garde-fous pour préserver notre sécurité d'approvisionnement en gaz et la stabilité financière des acteurs du marché", a souligné la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.
"Vu les garde-fous, difficile de dire l'impact réel. Ce n'est pas une solution miracle: les Européens devraient se concentrer sur les vraies solutions: réduction de leur demande et transition verte", a observé Simone Tagliapietra, expert de l'institut Bruegel.
Alors que les Européens s'efforcent de se détacher du gaz russe, Moscou a aussitôt condamné une décision "inacceptable".
- Achats groupés de gaz -
La Commission avait initialement proposé de plafonner certains contrats gaziers dès lors qu'ils dépassaient 275 euros/MWh pendant deux semaines consécutives, entre autres conditions - des facteurs jamais réunis, même au plus fort de l'envolée en août dernier.
Plusieurs Etats (Espagne, Pologne, Grèce, Italie...) avaient réclamé l'assouplissement des conditions d'activation. Au contraire, rétifs à toute intervention, d'autres Etats (Allemagne, Pays-Bas...) exigeaient des "garde-fous" drastiques pour éviter de menacer les approvisionnements.
Alors que les Vingt-Sept, soucieux d'afficher un front uni, recherchaient l'unanimité, Berlin a finalement approuvé le compromis: "Nous disposons de suffisamment d'instruments pour utiliser ce mécanisme de manière intelligente et ciblée", a jugé le ministre allemand Robert Habeck.
L'accord trouvé permet d'entériner deux autres textes d'urgence, qui faisaient déjà l'objet d'un accord entre les Etats mais dont l'adoption formelle restait suspendue à une décision sur le plafonnement du prix du gaz.
Le premier prévoit des achats groupés de gaz, auxquels participeraient des consortiums d'entreprises, afin d'obtenir ensemble de meilleurs prix, et un mécanisme de solidarité assurant automatiquement l'approvisionnement énergétique des pays menacés de pénuries.
Le second simplifie pour un an les procédures d'autorisations pour les infrastructures d'énergies renouvelables (solaire et pompes à chaleur).
Une réforme structurelle du marché européen de l'électricité, qui vise à le découpler des prix du gaz, sera par ailleurs proposée début 2023 par la Commission.
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