"Dans tout gouvernement, il y a des sensibilités différentes" mais "pour la politique étrangère, il n'y a que deux voix: celle du Premier ministre et celle du ministre des Affaires étrangères", a rappelé mardi le chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Albares.
Une mise au point jugée nécessaire après les prises de position de membres du gouvernement issus de Podemos vis-à-vis des représailles israéliennes à l'attaque sans précédent menée le 7 octobre par le Hamas.
Ce qui se passe à Gaza est un "génocide planifié", a ainsi estimé samedi Ione Belarra, ministre des Droits sociaux et cheffe de file de cette formation, appelant le gouvernement espagnol à porter plainte contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu devant la Cour pénale internationale pour "crimes de guerre".
Un message que le parti de gauche radicale - qui revendique le droit de parler lui aussi au nom du gouvernement - a réitéré mardi après la frappe meurtrière contre un hôpital de Gaza, qu'il a attribuée à l'armée israélienne malgré le démenti d'Israël.
Madrid doit "suspendre ses relations diplomatiques avec Israël et imposer des sanctions" à ses responsables, a insisté Mme Belarra, dont le parti s'est refusé jusqu'à présent à condamner sans ambiguïté l'attaque du Hamas.
"Cacophonie"
Ces prises de positions ont provoqué une mini-crise diplomatique, l'ambassade d'Israël en Espagne condamnant dans un communiqué des propos "absolument immoraux", un geste perçu comme "inamical" par Madrid.
Elles ont également suscité les critiques du Parti populaire, principale formation d'opposition de droite, qui a dénoncé l'"antisémitisme" de Podemos.
M. Sánchez doit "mettre de l'ordre dans son gouvernement", a martelé le chef de file du PP, Alberto Núñez Feijóo, accusant le Premier ministre de faire profil bas pour "ne pas gêner ses alliés avant son investiture".
Gouvernant ensemble depuis 2020, le parti socialiste et Podemos ont déjà étalé leurs divergences par le passé sur la politique étrangère, notamment sur le soutien militaire à l'Ukraine ou le dossier du Sahara occidental. Mais le contexte est aujourd'hui différent.
Au pouvoir depuis 2018, Pedro Sánchez négocie en effet sa reconduction au poste de Premier ministre avec les formations élues au Parlement lors des législatives du 23 juillet, dont l'extrême gauche. S'il n'y parvient pas d'ici au 27 novembre, un nouveau scrutin devra être convoqué.
Pour l'exécutif, cette "cacophonie" est "embarrassante" car elle survient à un moment où la gauche a besoin "d'afficher son unité", souligne Paloma Roman, politologue à l'Université Complutense de Madrid. En outre, elle "brouille la ligne diplomatique" défendue par Madrid, ajoute-t-elle.
"Sur la touche"
Signe d'un certain malaise, José Manuel Albares a été contraint de marteler, face aux critiques, que la ligne de l'Espagne était "claire" et relevait uniquement des socialistes et non de Podemos.
Après l'attaque du 7 octobre, Pedro Sánchez a de fait condamné "sans ambages (...) l'attentat terroriste du Hamas" et a reconnu le droit d'Israël "à se défendre", tout en appelant l'Etat hébreu à agir "dans les limites du droit international humanitaire".
Pour Paloma Roman, le positionnement de Podemos s'explique en partie par des questions de stratégie internes à la gauche.
Formation issue du mouvement des Indignés, "Podemos a été d'une certaine façon mise sur la touche par Sumar", coalition d'extrême gauche qui l'a absorbée au printemps et dont la cheffe de file est la ministre communiste du Travail Yolanda Díaz, beaucoup plus proche de Sánchez.
Ce parti maintient donc "un profil contestataire pour se démarquer et qu'on n'oublie pas qu'il est différent de Sumar", juge l'universitaire. Avec la volonté, selon elle, de continuer à peser, malgré sa perte d'influence.
Pedro Sánchez "devrait se rappeler que, pour être investi, il devra négocier les lignes de sa politique extérieure avec les forces dont il dépend", a ainsi prévenu mercredi Pablo Iglesias, fondateur et ancien leader historique de Podemos.
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