La militante et journaliste âgée de 51 ans est récompensée "pour son combat contre l'oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humains et la liberté pour tous", a déclaré la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen.
Vice-présidente du Centre des défenseurs des droits de l'Homme fondé par Shirin Ebadi, elle aussi prix Nobel en 2003, Narges Mohammadi a été maintes fois condamnée et emprisonnée depuis 25 ans pour son engagement contre le voile obligatoire pour les femmes et contre la peine de mort.
A l'annonce de sa distinction, l'ONU a demandé sa libération. "J'en appelle à l’Iran : libérez-la, faites quelque chose de digne", a abondé Mme Reiss-Andersen auprès de l'Agence Française de Presse.
L'Iran a connu l'an dernier un vaste mouvement de contestation déclenché par la mort d'une jeune femme kurde iranienne de 22 ans, Mahsa Amini, après son arrestation à Téhéran pour non-respect du strict code vestimentaire islamique.
Une adolescente de 16 ans, Armita Garawand, est aussi actuellement dans le coma après, selon l'ONG de défense des droits des Kurdes d'Iran Hengaw, avoir été "agressée" par des membres de la police des mœurs chargés de faire appliquer l'obligation de porter le voile.
"Une gifle au régime"
"Le mouvement a accéléré le processus de démocratie, de liberté et d'égalité", désormais "irréversible", écrivait le mois dernier à l'Agence Française de Presse Narges Mohammadi, aux longs cheveux noirs bouclés, depuis sa cellule.
Elle-même et trois codétenues ont brûlé leur voile dans la cour de la prison d'Evin à Téhéran pour marquer l'anniversaire de la mort de Mahsa Amini le 16 septembre.
L'Iran se situe à la 143e place -sur 146 pays- du classement du Forum économique mondial (WEF) sur l'égalité des sexes.
Le soulèvement "Femme, Vie, Liberté" -un slogan avec lequel Mme Reiss-Andersen a entamé, en farsi puis en anglais, son annonce vendredi- y a été violemment réprimé.
Selon l'ONG Iran Human Rights (IHR), 551 manifestants -434 hommes, 49 femmes et 68 enfants- ont été tués par les forces de sécurité, et des milliers d'autres arrêtés.
"Ce prix est une gifle au régime d'Ali Khamenei (le guide suprême, ndlr) qui a déclaré la guerre à son propre peuple", a commenté Masih Alinejad, autre célèbre opposante au port obligatoire du hijab.
"Aucune perspective de liberté"
Si la contestation est désormais plus diffuse, elle se poursuit sous différentes formes, posant aux autorités iraniennes l'un des plus grands défis depuis la révolution de 1979.
Scènes encore inimaginables il y a un an, des femmes sortent aujourd'hui dévoilées dans les lieux publics malgré les risques.
Le Nobel "récompense également les centaines de milliers de personnes qui, au cours de l'année écoulée, ont manifesté contre les politiques du régime théocratique en matière de discrimination et d'oppression contre des femmes", a précisé Mme Reiss-Andersen.
La famille de la lauréate a salué "un moment historique pour le combat pour la liberté en Iran" et le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, "un hommage à toutes ces femmes qui se battent pour leurs droits".
"Je suis très, très fier d'elle, très heureux", a déclaré son fils Ali, 17 ans, qui n'a pas pu voir sa mère depuis huit ans, ajoutant que ce prix constituait "une récompense pour le peuple iranien", lors d'une conférence de presse à Paris.
Un "choix très fort pour une combattante de la liberté", s'est félicité le président français, Emmanuel Macron tandis que Washington saluait le "courage" de la lauréate.
Téhéran n'avait pas réagi officiellement en fin de journée. L'agence local Tasnim a fait part de l'information, décrivant Narges Mohammedi comme une personne détenue pour ses "actions anti-iraniennes" et subversives.
Selon le comité Nobel, Narges Mohammadi, 19e femme à remporter le prix, a été arrêtée à 13 reprises et condamnée cinq fois à un total de 31 ans de prison et 154 coups de fouet.
À nouveau incarcérée en 2021, elle n'a pas vu ses enfants qui vivent en France avec son mari depuis huit ans.
Considérée comme une "détenue d'opinion" par Amnesty International, elle disait dans sa correspondance avec l'AFP n'avoir "presque aucune perspective de liberté".
Le prix Nobel de la paix -un diplôme et une médaille d'or assortis de 11 millions de couronnes (près de 980.000 euros) sera remis le 10 décembre dans la capitale norvégienne.
C'est la cinquième fois qu'il est attribué à des militants emprisonnés après, notamment, le Bélarusse Ales Beliatski l'an dernier, représenté par son épouse à la cérémonie Nobel, et le Chinois Liu Xiaobo dont le fauteuil était resté symboliquement vide en 2010.
Il y a 20 ans, Shirin Ebadi avait défié les conservateurs iraniens en recevant son Nobel à Oslo sans porter de hijab.
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