"Regardons la milice Wagner, la démonstration qu'ils sont en train de faire", a observé le général Pierre Schill lors d'une rencontre avec l'Association des journalistes de défense (AJD).
"Ils nous envoient un message en nous disant (que) lorsque nous aurons à faire face à ces milices ailleurs, ils sont capables de payer le prix du sang très cher pour atteindre leurs objectifs et ce sera un adversaire redoutable", a-t-il ajouté.
Wagner s'est imposé ces derniers mois comme un supplétif majeur de l'armée russe en Ukraine, notamment en première ligne dans la bataille de Bakhmout (est). Dimanche, son chef Evguéni Prigojine a affirmé avoir pris une localité proche de cette grande ville de la région de Donetsk.
Début janvier, les Etats-Unis l'ont désigné comme une organisation criminelle internationale, dénonçant notamment ses abus en Ukraine et son recrutement massif de détenus.
Wagner a annoncé la semaine passée cesser son recrutement de détenus, mais le groupe est connu pour utiliser ses soldats comme de la chair à canon et être capable d'essuyer de très lourdes pertes. Des faits corroborés notamment par d'anciens membres de la milice privée.
Selon le général Schill, Wagner, comme les autres sociétés privées du monde entier, sont amenées à "se développer" dans le cadre de conflits dits "hybrides", où l'affrontement militaire classique se conjugue notamment avec la guerre cyber, la lutte informationnelle ou l'impact psychologique sur les opinions publiques.
"Est-ce que toutes les sociétés militaires privées se valent ou se vaudront ? Probablement non, il y a un degré de soutien étatique derrière", a-t-il précisé, en allusion aux liens forts entre Evguéni Prigojine et le président russe Vladimir Poutine.
"Wagner, parce qu'il est en train de lutter pour obtenir sa place au Kremlin d'une façon ou d'une autre, en payant un prix énorme, nous pose question et nous dit que c'est un adversaire redoutable", a-t-il insisté.
- "Changement d'ère" -
Le groupe Wagner s'est aussi implanté ces dernières années en Centrafrique et au Mali, quoique Bamako s'en défende, à chaque fois à la faveur du retrait des forces françaises déployées sur place, témoignant d'une forme de déclassement stratégique et d'effondrement de l'influence française en Afrique.
Le groupe est suspecté de tenter aussi de s'implanter au Burkina, où Paris doit retirer dans les semaines à venir, à la demande la junte au pouvoir, ses forces spéciales installées depuis 2008.
A l'échelle planétaire, selon le général Schill, l'invasion russe en Ukraine n'a pas fini de livrer ses conséquences géostratégiques.
"Nous sommes probablement à un changement d'ère de la même ampleur que celle de la chute du mur de Berlin", a-t-il affirmé, évoquant des changements "qui ont mis plusieurs années pour se matérialiser".
"Nous avons vu monter l'emploi de la force par un certain nombre d'Etats", a-t-il noté, évoquant la Chine et l'Iran. "Il y a une remise en cause du droit international tel qu'il a été cristallisé depuis la Seconde Guerre mondiale. Un certain nombre de pays nous disent: +votre droit est contingent, occidental, nous le contestons+".
S'agissant de la stratégie de la France, qui discute de la prochaine Loi de programmation militaire (LPM, 2024-2030), la guerre en Ukraine conduit à des ajustements de besoins mais pas à une remise en cause des choix opérés par l'armée de Terre, selon le général Schill.
Il s'agit de ne "pas bâtir pour 2030 une armée de Terre nécessaire pour 2022", a-t-il affirmé, mais il faut davantage de moyens de "commandement, d'appui et de soutien".
L'objectif de disposer en 2030 de 1.872 blindés Griffon, de 978 blindés légers Serval, de 300 Jaguar et de 200 chars Leclerc rénovés dans le cadre du programme Scorpion demeure donc.
Mais "un certain nombre de Serval ou Griffon, au lieu d'être des véhicules d'infanterie, seront des véhicules d'accompagnement d'appui et de soutien", notamment équipés de systèmes de défense sol-air, a-t-il expliqué.
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