Très attendu sur le volet militaire lors de son discours sur l'avenir de la politique française en Afrique, le président n'a donné aucun détail concret mais a défendu un nouveau paradigme après la fin de l'opération Barkhane, poussée hors du Mali en août, et le récent départ des Forces spéciales Sabre du Burkina Faso.
"La transformation débutera dans les prochains mois avec une diminution visible de nos effectifs et une montée en puissance dans ces bases de nos partenaires africains", a déclaré le chef de l'Etat français à la veille d'une tournée africaine.
Cette réorganisation "n'a pas vocation à être un retrait ou un désengagement, mais elle se traduira en effet par (...) une africanisation, une mutualisation de ces grandes bases", a-t-il expliqué.
La "réduction du nombre de nos militaires (...) s'accompagnera d'une montée en charge de leurs partenaires africains en fonction des besoins qui seront définis et précisés" dans les prochaines semaines, a-t-il ajouté.
Paris avait annoncé il y a un an vouloir discuter avec les Etats du golfe de Guinée, menacés par les jihadistes liés à Al-Qaïda ou au groupe Etat islamique, pour mettre au point une nouvelle relation, sur fond de dégradation majeure de l'image de la France en Afrique.
- Frictions avec l'armée -
Les bases "ne seront pas fermées" mais "transformées" et "deviendront pour les unes des académies, pour les autres des bases mais partenariales", a-t-il expliqué.
Mais il y a loin de la méthode aux faits. Car ces discussions avec les capitales africaines sont annoncées depuis un an sans que le dossier ne semble avancer.
Une source militaire française a évoqué à l'AFP des frictions importantes entre l'Elysée et l'état-major au sujet de possibles fermetures de bases, le second plaidant notamment pour la préservation des emprises au vu de la présence de dizaines de milliers de ressortissants français dans la région.
Les militaires soulignent par ailleurs que chaque affaiblissement de Paris laisse la place au groupe paramilitaire russe Wagner, déjà installé en Centrafrique et au Mali, quoique Bamako s'en défende, et qui lorgne sur le Burkina Faso.
Si un "principe fort" a été arrêté, celui que "les bases dans leur format actuel sont un héritage du passé qu’il faut liquider", "la mise en pratique est plus compliquée", explique à l'AFP Elie Tenenbaum, de l'Institut français des relations internationales (IFRI).
Sans donner de détails sur les négociations avec les Africains, Emmanuel Macron les a invités à exprimer "leurs besoins sécuritaires et militaires" précis.
"On restera, mais avec une empreinte réduite en propre", a-t-il promis, "mais nous allons plus former, plus équiper et mieux accompagner, parce que ce sera sur la base d'une demande exprimée".
- "Malentendu" -
Mais pour Elie Tenenbaum, "on est sur des injonctions contradictoires" entre "davantage de soutien et moins de présence".
M. Macron "n'arrive pas à trouver de formule, de stratégie", estime le chercheur, confirmant que "ça bloque entre la vision du président qui veut renverser la table et l'état-major qui reste sur une logique de conservation de l'existant".
Selon les chiffres officiels, quelque 3.150 soldats français sont installés sur des bases en Afrique (Sénégal, Cote d'Ivoire, Gabon, Djibouti). Environ 3.000 militaires de l'ex-opération Barkhane sont aussi déployés au Sahel, notamment au Niger et au Tchad.
Les effectifs pourraient d'ailleurs être renforcés à Djibouti, vu son positionnement stratégique vers l'Indo-Pacifique où la France observe la Chine de très près, selon une source gouvernementale.
Plus globalement, "Paris n'est pas disposée à partir d'Afrique mais admet que son approche passée lui est revenue en boomerang", estime Michael Shurkin, historien américain spécialiste de l'armée française.
De fait, le président a admis une forme d'échec. "J'essaie d’être lucide : il y a une déception à l’égard la France parce qu'on a peut-être trop laissé croire que c'était nous, tous seuls, qui allions régler en totalité la question du terrorisme sur le continent africain", a-t-il déclaré, admettant "une forme de malentendu".
Tous les commentaires 0
CONNECTEZ-VOUS POUR COMMENTER
VIDEOS