L'ancien ministre de l'Intérieur, qui conteste les charges retenues contre lui, comparaît devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone, dans le sud-est de la Suisse, assisté de son avocat. Sa fille Olimatou Sonko fait également partie de son équipe juridique.
M. Sonko ne devrait toutefois pas être entendu lundi.
Son avocat, Me Philippe Currat, a demandé à la cour "le classement de la procédure concernant les faits décrits dans l'acte d'accusation qui auraient eu lieu avant le 1er janvier 2011", date depuis laquelle les crimes contre l'humanité sont inscrits dans le droit suisse, au nom du principe de non-rétroactivité.
"Il n'est donc pas question aujourd'hui de faire de la Suisse un supermarché procédural où l'on pourrait poursuivre des gens en transgressant les règles de compétence et celles qui instituent les crimes", a-t-il soutenu.
Le procès devrait durer un mois et le verdict n'est pas attendu avant mars.
La procédure contre M. Sonko, détenu depuis 7 ans en Suisse et qui aura 55 ans mardi, est rendue possible car le pays alpin se reconnaît depuis 2011 le droit de juger les crimes les plus graves s'étant déroulés à l'étranger à condition que leur auteur se trouve sur son sol.
C'est la première fois en Suisse que cette notion de crime contre l'humanité - des crimes commis dans le cadre d'une attaque de grande ampleur visant des civils - est abordée en première instance.
M. Sonko est "également le plus haut responsable politique jamais jugé en Europe pour des crimes internationaux, en vertu de la compétence universelle", explique Leslie Haskell, présidente de Trial International, l'ONG à l'origine de la procédure.
Il avait été arrêté le 26 janvier 2017 en Suisse où il avait demandé l'asile après avoir été démis de ses fonctions ministérielles qu'il a occupées pendant 10 ans jusqu'en septembre 2016.
Le Ministère public de la Confédération (MPC, bureau du procureur général) l'accuse "d'avoir, en ses qualités et fonctions, soutenu, participé et de ne pas s'être opposé, aux attaques systématiques et généralisées menées dans le cadre de répressions par les forces de sécurité gambiennes contre tout opposant au régime du président Yahya Jammeh" (1994-fin 2016).
"Un espoir"
Les accusations s'étendent sur une période allant de 2000 à 2016, et il est soupçonné de nombreux chefs de crimes contre l'humanité, dont l'assassinat, les viols répétés, la séquestration répétée et la torture répétée.
Dix personnes se sont constituées parties plaignantes, dont huit "victimes directes" et la fille d'une personne décédée en détention, a détaillé Trial. Une autre est décédée l'an dernier, mais ses héritiers ont repris le dossier.
Arrivées ensemble à pied au tribunal avec leurs avocates, les parties plaignantes ont brandi des affiches sur lesquelles il était écrit: "Traduisez Jammeh et ses complices en justice".
La Gambie, petit pays d'Afrique de l'Ouest et ex-colonie britannique, a été dirigée d'une main de fer pendant 22 ans par Yahya Jammeh qui vit en exil en Guinée équatoriale après avoir perdu l'élection présidentielle de décembre 2016.
M. Sonko est accusé d'avoir agi en grande partie avec un collectif de personnes "composé de l'ancien président et de membres dirigeants des forces de sécurité et des services pénitentiaires", dans l'exercice de ses fonctions, d'abord en tant que membre de l'armée, puis en tant qu'inspecteur général de la police et enfin comme ministre.
Selon son avocat, les faits décrits dans l'acte d'accusation n'engagent pas la responsabilité de son client mais de l'Agence nationale de renseignement (NIA), et "cette agence-là n'a jamais été ni sous l'autorité, ni sous le contrôle, ni en fait ni en droit, d'Ousman Sonko", a-t-il dit à l'AFP.
Avocate de trois des parties plaignantes, Me Caroline Renold a elle indiqué à l'AFP qu'"Ousman Sonko a joué un rôle clé dans la mise en oeuvre de la répression contre la population civile" et "ne pouvait ignorer toutes les atrocités qui étaient commises".
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