Le chef de l'Etat l'a chargé "de former un gouvernement", a confirmé l'Elysée dans un communiqué alors que sa nomination, donnée comme quasi-acquise depuis la veille, avait déjà été dévoilée par plusieurs responsables du camp présidentiel.
Peu après, sur X, le président de la République a dit "compter" sur l'"énergie" de Gabriel Attal pour mettre en oeuvre son "projet de réarmement et de régénération" du pays. Après les divisions qui ont agité la Macronie sur la loi sur l'immigration, et les critiques sur une dérive droitière, il lui a demandé d'être "dans la fidélité à l'esprit de 2017: dépassement et audace".
Comme en écho, le nouveau Premier ministre a vu dans sa nomination un triple "symbole": de "l'audace", du "mouvement, et de la "confiance (...) accordée à la jeunesse".
"J'aurai l'objectif de garder le contrôle de notre destin et libérer notre potentiel français", a-t-il déclaré, ému et grave, lors de la passation de pouvoir sur le perron de Matignon avec sa prédécesseure Elisabeth Borne, après être arrivé à pied depuis le ministère de l'Education nationale, où il n'aura passé qu'un peu plus de cinq mois.
Il a assuré que la "cause de l'école" demeurerait la "mère de nos batailles".
C'est "un choix de retour aux sources du macronisme" de "dépassement" du clivage droite-gauche, glisse-t-on dans l'entourage du chef de l'Etat. Ce dernier, qui ne peut constitutionnellement pas se représenter en 2027, "assume la responsabilité de la promotion et de la formation de cette génération Macron".
Le populaire ministre de l'Education nationale sortant, qui devient aussi le premier chef de gouvernement ouvertement homosexuel, a donc succédé à Elisabeth Borne, contrainte lundi à la démission après vingt mois à Matignon.
Elle a fait savoir qu'elle occuperait le siège de députée du Calvados gagné en 2022, et s'est targuée d'avoir "tenu sans trembler le cap fixé par le président".
Dans la foulée, M. Attal, qui a petit-déjeuné pendant deux heures avec M. Macron mardi, a pris la route pour le Pas-de-Calais frappé par les inondations pour son premier déplacement. Dès cette semaine, il réunira les "forces vives" du pays.
"Monarque présidentiel"
Alors que M. Attal recevait les "félicitations" du chancellier allemand Olaf Scholz, se réjouissant de "poursuivre et renforcer" la "coopération" entre les deux pays, les oppositions se sont immédiatement montrées sévères à son égard.
"Les Français ne peuvent rien espérer" de Gabriel Attal, a lancé la cheffe des députés du Rassemblement national, Marine Le Pen, tandis que le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélonchon a raillé un simple "porte-parole". "La fonction de Premier ministre disparaît. Le monarque présidentiel gouverne seul avec sa cour", a-t-il dit, à l'instar du patron des socialistes Olivier Faure pour qui "Emmanuel Macron se succède à lui-même".
"La communication permanente doit laisser place à une politique de clarté et de fermeté", a estimé pour sa part le président du parti Les Républicains Eric Ciotti.
Le délai entre la démission de Mme Borne et la nomination officielle avait alimenté les spéculations sur d'éventuelles résistances internes face à l'ambitieux promu, qui pourrait faire de l'ombre à d'autres prétendants à la succession de M. Macron.
"Le macronisme, c'est aussi d'être contre toutes les rentes et les prés carrés", a soufflé un conseiller de l'exécutif, assurant que le président n'avait jamais vacillé dans son choix.
Le retard a aussi pu être lié à la difficile recherche d'équilibres, alors que plusieurs voix appellent à resserrer l'équipe gouvernementale qui compte aujourd'hui 39 membres.
Monté ces derniers mois sur le podium des personnalités politiques préférées des Français, Gabriel Attal aura pour mission d'offrir à Emmanuel Macron l'élan que son second quinquennat n'a jamais trouvé. Mais il sera confronté au même obstacle que sa prédécesseure: l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale.
Il hérite, en outre, des divisions qui ont surgi dans le camp présidentiel avec la loi sur l'immigration soutenue par l'extrême droite, quelques mois après une adoption dans la douleur de l'impopulaire réforme des retraites.
"Continuer le combat"
Sa première tâche sera de former un nouveau gouvernement sous le signe du "réarmement" vanté par le chef de l'Etat lors de ses voeux du Nouvel An: "réarmement industriel, économique, européen" mais aussi "civique", autour notamment du vaste chantier de l'école que Gabriel Attal a porté depuis l'été en initiant de nombreuses réformes d'ampleur.
Pour le constitutionnaliste Benjamin Morel, M. Attal est le signe d'une "stratégie très offensive en vue des élections européennes" de juin, où l'extrême droite est donnée gagnante en France.
M. Macron avait salué le 20 décembre chez son jeune ministre un responsable politique qui l'accompagne "depuis le début" et qui a "l'énergie, le courage" pour "porter les réformes" à venir, voire, tel un héritier, "continuer le combat".
Entré par la petite porte dans l'exécutif au secrétariat à la Jeunesse, Gabriel Attal a connu une ascension fulgurante: porte-parole du gouvernement, ministre du Budget, il avait décroché l'Education nationale en juillet, où il s'est rapidement distingué en interdisant l'abaya à l'école au nom de la "laïcité" et se disant prêt à expérimenter le port de l'uniforme.
Avant de connaître le prochain locataire de Matignon, la gauche avait été unanime mardi à réclamer un vote de confiance du Parlement "comme dans toutes les démocraties".
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