Ce projet de loi de finances est "sans doute l'un des textes les plus compliqués à élaborer depuis le début de la Ve République", a prévenu le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, à propos de ce texte présenté avec un retard inédit de neuf jours à cause d'un calendrier bousculé par les législatives anticipées.
Dépenses massives durant les crises du Covid et de l'inflation, recettes fiscales décevantes... Le budget sera dans le rouge en 2025, comme depuis 50 ans: le dernier exercice excédentaire remonte à 1974, année d'élection de Valéry Giscard d'Estaing.
Chef d'un gouvernement minoritaire, le Premier ministre Michel Barnier est attendu au tournant, après avoir annoncé un effort considérable de 60 milliards d'euros pour reprendre le contrôle d'un déficit public à la dérive et d'une dette atteignant des sommets.
"Ce freinage, il est indispensable, sinon on va droit vers une crise financière", a-t-il déclaré vendredi dernier, alors que la France doit déjà se justifier auprès de Bruxelles de son déficit excessif et qu'elle est dans le viseur des agences de notation - Fitch doit publier son évaluation vendredi.
- Surtaxe "exceptionnelle" -
Après un dérapage attendu à 6,1% cette année, le gouvernement entend ramener le déficit public à 5% dès 2025 pour revenir en 2029 sous la limite de 3% tolérée par Bruxelles - 2,8% selon des documents consultés par l'AFP -, deux ans plus tard que promis par le précédent gouvernement.
La dette, à 3.228,4 milliards d'euros fin juin (112% du PIB), a gonflé d'un millier de milliards depuis 2017, quand Emmanuel Macron est devenu président. Elle frôlera 115% l'an prochain, presque le double du maximum fixé à 60% par Bruxelles, avant de décroître progressivement.
Plus de 40 milliards, soit les deux tiers de l'effort prévu, proviendront de réductions de dépenses pesant majoritairement sur l'Etat, avec une baisse des effectifs de fonctionnaires. Côté sécurité sociale, les retraités devront attendre le 1er juillet, au lieu de janvier, pour voir leur pension revalorisée - mais face aux "préoccupations" soulevées, Michel Barnier s'est dit "ouvert" à d'autres solutions parlementaires.
Des hausses d'impôts doivent en outre apporter 20 milliards d'euros, au nom de la "justice fiscale", un revirement après sept ans de baisse offensive de la fiscalité, dans un pays encore champion des prélèvements obligatoires et des dépenses.
Les 65.000 foyers fiscaux (0,3%) les plus fortunés (disposant de 500.000 euros de revenu fiscal pour un couple sans enfant) s'acquitteront d'une surtaxe "exceptionnelle". Tout comme 300 entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 1 milliard d'euros, pendant un an ou deux. Les transports polluants paieront également leur écot.
Mais pas question de ponctionner davantage "les plus fragiles" ou "ceux qui travaillent", a promis Michel Barnier.
- Crispations -
"Ce n'est pas un budget pérenne avec un modèle de société derrière. Quand vous parlez de fiscalité exceptionnelle, par définition, vous dites qu'il faut résoudre le problème à court terme, sans changer fondamentalement de politique", commente pour l'AFP Lisa Thomas-Darbois, directrice des études France de l'Institut Montaigne.
Le chemin de croix budgétaire s'avère d'autant plus ardu qu'il se greffe sur une grande instabilité politique.
Répartis en trois blocs principaux, les députés sont réticents aux concessions et divisés sur les hausses d'impôts. Le budget pourrait être adopté sans vote, via l'article 49.3 de la Constitution.
"Après des législatives à fort enjeu, le seul moyen d'expression du Parlement sera sur ce texte. Ce sera le moment de la bataille" des programmes, estime Lisa Thomas-Darbois.
L'organisation patronale Medef comme la droite, apparaissent ouverts à des hausses d'impôts, pourvu qu'elles soient assorties de moindres dépenses.
Objectif: soigner le patient malade qu'est la France.
Le pays inspire désormais moins confiance, empruntant à des taux d'intérêt proches de ceux des pays d'Europe du Sud, réputés plus risqués. Ce qui alourdit davantage la charge de la dette, aujourd'hui deuxième poste budgétaire derrière l'éducation.
"On ne peut pas augmenter indéfiniment le niveau de dette" et "juste faire un pied de nez aux marchés financiers", note un spécialiste de la dette souveraine.
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