A trois jours du scrutin législatif en France, l'extrême droite fait monter la tension sur une possible cohabitation

Publié le 27 juin 2024 à 09:30

  • A trois jours du scrutin législatif en France, l'extrême droite fait monter la tension sur une possible cohabitation

A trois jours du premier tour d'élections législatives cruciales en France, la figure de proue de l'extrême droite Marine Le Pen a fait monter la tension sur une possible cohabitation politique en affirmant que le titre de "chef des armées" pour le président de la République était "honorifique".

La probable candidate à la présidentielle de 2027 a souligné dans un entretien au journal Télégramme que "c'est le Premier ministre qui tient les cordons de la bourse". Conséquence, selon elle : "sur l'Ukraine, le président ne pourra pas envoyer de troupes", alors qu'Emmanuel Macron a refusé d'exclure cette option.

Le poste de Premier ministre reviendra au parti d'extrême droite s'il gagne la majorité absolue à l'Assemblée, au terme des scrutins des 30 juin et 7 juillet.

Le président du Modem (centriste), François Bayrou, proche allié du chef de l'Etat, pour qui Marine Le Pen a mis "en cause profondément la Constitution" avec cette affirmation "extrêmement grave".

"Les partis nationalistes et populistes lorsqu'ils ont conquis le pouvoir partout en Europe ont mis en œuvre une stratégie méthodique pour s'arroger les pleins pouvoirs", a renchéri le ministre français aux Affaires européennes Jean-Noël Barrot.

Mme Le Pen a toutefois semblé nuancer cette déclaration jeudi matin sur X en évoquant "le domaine réservé du Président de la République" sur ces sujets sensibles de politique étrangère et de défense mais elle a maintenu que "le Premier ministre a, par le contrôle budgétaire, le moyen de s'opposer" à l'envoi de troupes à l'étranger.

"Si nous arrivons aux responsabilités (...), ce n'est pas pour faire semblant", a renchéri le vice-président du RN Sébastien Chenu en évoquant d'autres "lignes rouges" comme le refus de livrer à Kiev des armes à longue portée.

- Blocage institutionnel -

Lors des trois précédentes cohabitations politiques en France, le président avait conservé de larges pouvoirs en matière de politique internationale et de défense, en vertu de ce "domaine réservé".

Pour l'instant, l'extrême droite est donnée largement en tête du premier tour dimanche, avec 36% des intentions de vote, selon une enquête Ipsos-Fondation Jean-Jaurès-Cevipof-Institut Montaigne pour le Monde portant sur près de 12.000 personnes.

Selon cette vaste étude, qui ne propose pas de projections en sièges, la gauche rassemblerait 29% des voix, le camp du président Macron 19,5% et Les Républicains (droite traditionnelle) 8%.

Mais les 577 élections, dans chaque circonscription, recèlent de nombreuses inconnues, les équations étant par ailleurs appelées à être profondément bouleversées entre les deux tours selon les maintiens, désistements voire consignes de votes.

Une majorité seulement relative ouvrirait par ailleurs la perspective d'un éventuel blocage institutionnel, renforcée par le refus du leader d'extrême droite Jordan Bardella de constituer un gouvernement s'il ne dispose pas d'une majorité absolue.

Faire barrage à l'extrême droite aux portes du pouvoir ou refuser de choisir ?

Le camp présidentiel, qui depuis le début de la campagne a renvoyé dos à dos l'extrême droite et la gauche radicale de la France Insoumise (LFI, membre de l'alliance de gauche), n'a pas encore pris position. Mais il pourrait s'orienter vers le mot d'ordre "ni RN, ni LFI".

- Nouveau débat à trois -

A gauche, le dirigeant de LFI Jean-Luc Mélenchon, figure repoussoir pour les électeurs centristes mais aussi au sein de l'alliance du Nouveau Front populaire, a déclaré mercredi soir qu'il demanderait à ses électeurs de ne pas voter RN au second tour, là où les candidats de gauche ne seront plus présents.

D'ici là, les représentants des trois blocs sont attendus jeudi soir à la télévision pour un ultime débat, 24 heures avant la fin de la campagne officielle fixée vendredi à minuit.

Jordan Bardella pour le RN et le Premier ministre Gabriel Attal croiseront le fer. La gauche sera représentée par le patron du Parti socialiste, Olivier Faure.

La joute pourrait être l'occasion d'une dramatisation accrue des enjeux du scrutin, alors qu'une première confrontation avait tourné à une bataille de chiffres parfois inaudible.

Reste que l'intérêt pour ces législatives anticipées ne se dément pas: deux tiers des électeurs prévoient d'aller voter dimanche, selon Ifop-Fiducial, ce qui correspondrait au meilleur taux de participation à ce type d'élections depuis 1997.

A l'étranger, le scrutin suscite aussi l'intérêt et des inquiétudes.

"Après les élections, nous verrons comment nos relations évoluent", a déclaré le porte-parole du gouvernement allemand Steffen Hebestreit. Tout en qualifiant la France de "partenaire le plus important et le plus proche en Europe" pour l'Allemagne.