Pouvez-vous nous décrire le climat actuel de l'investissement en Côte d'Ivoire ?
Je suis ravi de parler d’investissement, car c’est l’un des piliers d’une économie solide. L’investissement est l’un des leviers de développement les plus importants, puisqu’il permet de booster l’emploi et l’entrepreneuriat. Si l’on s’en tient au fait que l’investissement est une dépense dont l’objectif à long terme est d’augmenter la richesse des individus et de la société, on peut estimer, à l’image de l’Afrique en général, exception faite de certains pays en proie à des crises internes, que le climat de l’investissement se porte de mieux en mieux ces dernières années dans notre pays. Par ailleurs, pour booster leurs investissements, les pays africains doivent planifier leur développement tout en proposant une meilleure offre infrastructurelle, mais également sociale. En effet, depuis le début des années 2010, notre pays s’est appuyé, pour booster ses investissements, sur des Plans Nationaux de Développement - PND. L’exécution des PND 2012 – 2015 et 2016 – 2020 ont permis d’avoir des performances économiques remarquables.
On note entre autres, une croissance moyenne sur la période 2016-2020 de presque 7% qui devrait atteindre les 2 chiffres n’eut été l’avènement de la Covid 19. Là encore, pendant que la plupart des économies du monde avaient un taux de croissance négatif, l’économie ivoirienne s’est montrée résiliente avec un taux de croissance positif à 2 %.
Le PIB par habitant est passé de 1934 USD en 2016 à 2286 USD en 2020 ; l’accès à l’électricité s’est renforcé avec un taux de couverture qui est passé de 72% en 2011 à 98% en 2020, pendant que la capacité énergétique est passée de 1 975 MW en 2015 à 2 229 MW en 2020 ; l’accès à l’eau s’est également amélioré avec plus de 90 % de la population qui a accès à l’eau potable. Le taux de couverture national pour l’accès à Internet est passé de 21 % en 2015 à 73 % en 2020 ; la route précédant le développement, comme le disait notre président feu Félix Houphouët BOIGNY, notre réseau routier est passé de 6 700 Km en 2015 à 7 150 Km en 2020.
Toutes ces performances vont, bien entendu, se ressentir par l’amélioration du taux d’investissement qui est passé de 21,5 % en 2016 à 22,7 % en 2020. Taux qui devrait s’améliorer d’ici à 2025 avec les effets du PND 2021 – 2025.
Au niveau juridique, je pense également que l’institutionnalisation d’un code des investissements attractif, d’un Centre de Promotion des Investissements et d’une Direction de la Diplomatie Économique a joué pour beaucoup dans le développement des investissements dans notre pays.
Nous avons un climat d’investissement dynamique en Côte d’Ivoire grâce notamment au renforcement de la gouvernance, ainsi que des infrastructures de base. Nous pouvons toutefois mieux faire.
Quels sont les secteurs d'investissement les plus attractifs en ce moment et pourquoi ?
Les priorités de l’État et les perspectives de développement nées de l’étude prospective, permettent d’identifier des grappes industrielles et des niches de croissance sur la base des potentialités économiques régionales. On peut en citer quelques-uns : l’agro-industrie, étant donné que la priorité du gouvernement est de transformer une plus grande partie de nos matières premières agricoles notamment le café, le cacao, l’anacarde, afin de créer de la valeur ; l’immobilier, en raison du déficit en logement estimé à plus de 600 000 logements ; les matériaux de construction, en raison des nombreuses infrastructures envisagées ; l’industrie textile ; le secteur des emballages ; l’économie numérique ; l’industrie touristique ; les industries extractives.
Quels défis ou obstacles un investisseur étranger pourrait-il rencontrer en envisageant d’investir en Côte d’Ivoire ?
Les efforts consentis pour booster les investissements directs étrangers peuvent être engloutis par des maux comme la difficulté d’accès à l’information, la corruption, la lourdeur administrative, ainsi que la densité des procédures et la mauvaise gouvernance. Et croyez-moi les indicateurs en la matière ne sont pas reluisants. En effet, la Côte d’Ivoire est classée 18ème au niveau de l’indice Mo Ibrahim relatif à la bonne gouvernance et 110ème au classement Doing Business de la Banque mondiale, dont l’évaluation prend en compte dix indicateurs dont la création d’entreprise, l’octroi de permis de construire, le raccordement à l’électricité, le transfert de propriété, l’obtention de prêt, etc.
Si l’on s’en tient au premier indicateur d’évaluation, la création d’entreprise en 72h n’est plus possible en Côte d’Ivoire. Le Guichet Unique des formalités d’entreprise ne gère malheureusement plus toutes les étapes de création, comme la Déclaration Fiscale d’Existence et le rattachement social qui doivent se faire désormais aux impôts et à la CNPS, après une procédure digitale qui est extrêmement complexe et une gestion des réclamations presque inexistante. Je me garderais d’évoquer les autres étapes d’implantation dont la complexité est avérée en fonction des secteurs d’activité de l’investisseur. Ce qui a pour conséquence d’accroître les taux de désistement, nonobstant le nombre important d’intentions d’investissement.
Votre agence, la Maison des entreprises aide les investisseurs à optimiser leurs actions en Côte d’Ivoire, pouvez-vous, sur la base de votre expertise, nous dire quelles sont les politiques ou initiatives gouvernementales visant à encourager l'investissement dans le pays ?
En dehors des efforts consentis au niveau des infrastructures de base, je crois l’avoir évoqué plus haut, l’État a mis en place des mesures d’incitation et d’attractivité très intéressantes à travers un nouveau code des investissements, celui de 2018.
Le nouveau dispositif vise à renforcer les objectifs de promotion des investissements productifs et socialement responsables, de valorisation du contenu local et de renforcement de la compétitivité des entreprises locales. L’idée étant d’attirer certes des investisseurs non-nationaux, mais de booster l’investissement au niveau local.
Le nouveau code des investissements renforce les avantages fiscaux en fonction des régimes légaux suivant lesquels les investissements sont réalisés. En Régime de déclaration, il y a des exonérations fiscales allant de 50% à 75% sur une durée de cinq (5) à quinze (15) ans en fonction des zones d’investissements.
Ces exonérations fiscales se rapportent à l’impôt sur les bénéfices, y compris l’impôt minimum forfaitaire, la contribution des patentes et licences, la contribution à la charge des employeurs, l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières pour les dividendes versés aux actionnaires nationaux et l’impôt sur le patrimoine foncier.
Il y a également des crédits d’impôts déterminés en fonction du pourcentage des montants investis. Au terme de la réalisation de leurs programmes d’investissements, les taux fixés par le nouveau code varient entre 25% et 50%. Sont concernés par les crédits d’impôts, les impositions suivantes : la contribution des patentes et licences, l’impôt sur le patrimoine foncier, la taxe sur la valeur ajoutée, la contribution à la charge de l’employeur au titre des emplois locaux. Il convient de noter que ces crédits d’impôts sont imputables jusqu’à remboursement complet.
En Régime d’agrément, les avantages accordés aux investissements réalisés suivant ce régime varient également en fonction de l’évolution des activités effectuées. Durant la phase d’implantation de l’investissement, les avantages accordés concernent précisément une exonération de droits de douane, à l’exception de la redevance statistique et des prélèvements communautaires et continentaux et une suspension temporaire de la taxe sur la valeur ajoutée sur les acquisitions de biens, services et travaux.
Au titre de l’emploi local, un crédit d’impôt additionnel de 2% est accordé à l’investisseur étranger dont l’effectif de cadres et agents d’encadrement de nationalité ivoirienne représente 90% de l’effectif total de ces deux catégories d’employés. Le même taux est appliqué aux entreprises qui sous-traitent à des entreprises nationales, la réalisation des biens destinés à être incorporés dans un produit final en Côte d’Ivoire comme à l’étranger ainsi que pour les entreprises qui ouvrent leur capital social aux nationaux. Aussi, ces entreprises doivent ouvrir au moins 15% de leur capital social aux nationaux ivoiriens.
L’État prévoit par ailleurs la création des zones industrielles aménagées, des terres agricoles et des zones d’intérêt touristique et en facilite l’accès aux investisseurs par différentes mesures incitatives. Ces dispositions permettent d’orienter les entreprises intéressées dans leur choix d’investissement.
Outre ces avantages communs, le nouveau code prévoit la possibilité d’octroi des avantages supplémentaires aux projets structurants négociés dans le cadre des conventions d’État liant l’investisseur à l’État.
Vous venez de signer une importante convention avec le ministère des affaires étrangères de la République de Côte d’Ivoire, quelle est la teneur de cette convention ?
La Côte d’Ivoire s’est engagée depuis 2012 à faire de la diplomatie économique le principal levier pour favoriser son développement social et économique. Pour traduire dans les faits cette orientation, le Ministère des Affaires Étrangères, de l’Intégration Africaine et des Ivoiriens de l’Extérieur, a mené plusieurs actions pour, d’une part, participer ou organiser des évènements visant à faire la promotion des potentialités économiques en Côte d’Ivoire et à l’extérieur, et d’autre part, élaborer des stratégies en vue de mieux se faire accompagner par des partenaires et des structures compétentes.
À cet effet, le 03 mai 2021, un protocole d’entente a été signé entre le Ministère, et cinq (05) structures que sont : la Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire (CCI-CI) ; la Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) ; la Fédération Ivoirienne des Petites et Moyennes Entreprises (FIPME) ; l’Association pour la Promotion des Exportations de Côte d’Ivoire (ex-APEX-CI devenue Agence CI Export) ; et le Mouvement des Petites et Moyennes Entreprises de Côte d’Ivoire (MPME). Ce protocole a pour but de créer un cadre formel de collaboration et d’échanges entre les Parties signataires.
La Direction Générale de la Diplomatie Économique (DGDE) a souhaité élargir ce cadre d’échanges à plusieurs autres organisations et institutions dont La Maison des Entreprises, Centre Unique d’accompagnement des investisseurs, offrant en un seul point tous les services d’implantation, de la création de son entreprise au démarrage de ses activités, en passant par la gestion de toutes les formalités administratives, juridiques, fiscales ou sociales, mais également logistiques. Ce Centre multi-compétence et multi-expertise, propose également un dispositif d’accompagnement sur les aspects stratégiques, RH et organisationnels. L’objectif étant de permettre à l’investisseur de passer de l’intention d’investissement à la concrétisation de son investissement.
En le faisant, la DGDE amène le Ministère à être plus inclusif pour répondre au défi majeur qu’impose le Programme National d’Investissement sur la période 2021-2025 (PND21-25), d’investir dans le développement de la Côte d’Ivoire 59 000 milliards de FCFA, dont 74% doivent provenir du secteur privé.
Quelles sont les actions que votre organisme a menées à ce jour ?
En si peu de temps, nous avons fait des performances remarquables. Nos actions ont permis des investissements dans les secteurs du transport, de l’agro-industrie, des mines et du pétrole. Nous accompagnons l’un des plus gros transformateurs de noix de cajou au monde et le plus gros opérateur de transport en commun au monde. D’ici à fin premier semestre 2024, ce sont plus de 40 milliards d’investissement qui seront effectués via notre accompagnement, ; ce qui permettra de générer plus de 1 000 emplois permanents. Notre action permet à des PME locales de se structurer et de se créer du business. Nous espérons consolider ces performances avec l’appui de partenaires techniques et institutionnels comme les chambres consulaires, les missions diplomatiques, la chambre des notaires, le CEPICI, les ministères techniques et la Diplomatie Économique.
Quels conseils donneriez-vous aux investisseurs potentiels cherchant à s'implanter en Côte d'Ivoire ?
J’emprunterais les propos d’un éminent financier ivoirien qui disait à ses amis investisseurs que s’ils veulent multiplier par 100 leurs mises, ils devraient aller à la Silicon Valley ; s’ils voulaient le multiplier plutôt par 1 000, ils devraient plutôt venir en Afrique.
La croissance et les opportunités d’affaires en Côte d’Ivoire sont à l’image de l’Afrique. Chaque année, l’indice Mo Ibrahim s’améliore ainsi que notre Doing Business. Des structures comme La Maison des Entreprises existent pour les accompagner dans leurs projets. Si vous envisagez venir en Côte d’Ivoire, c’est maintenant, car des opportunités existent et le climat des affaires y est favorable.
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