"Y a-t-il eu un coup d'Etat aux Etats-Unis?", a même demandé l'un d'entre eux au personnel de cette radio internationale financée par Washington, après l'arrêt soudain des émissions du service en langue haoussa, rapporte Babangida Jibrin, un ancien journaliste de la station.
Le démantèlement de VOA initié sous l'administration du président américain Donald Trump laisse un vide dans le nord du Nigeria et dans des zones rurales de pays d'Afrique de l'Ouest, au Ghana, Cameroun, Niger.
Dans ces régions, où la presse écrite est rare et l'accès à internet limité, VOA représentait une source cruciale d'information, notamment pour ceux qui ne parlent pas les langues officielles de leur pays. Le service en haoussa pouvait toucher jusqu'à 80 millions de personnes en Afrique de l'Ouest.
"Les gens sont désormais coupés de l'actualité, surtout internationale", dit à l'AFP Moussa Jaharou, qui vit dans le sud du Niger, et comme de nombreux auditeurs haoussas, habite dans des régions pauvres sujettes aux conflits et à la violence jihadiste.
Les programmes de santé de VOA sur le VIH et sur le paludisme ont également été interrompus brusquement.
Créée pendant la Seconde Guerre mondiale pour contrer la propagande nazie, VOA s'est ensuite développée dans un contexte de tensions entre les Etats-Unis et les pays communistes pendant la guerre froide.
Bien que financé par le gouvernement américain, VOA a longtemps été considéré comme une source fiable et indépendante au Nigeria, offrant une alternative aux médias parfois perçus comme proches du gouvernement ou d'intérêts commerciaux, selon le journaliste Salisu Rabiu, un ancien salarié.
Pendant son premier mandat, le président Donald Trump a été accusé d'instrumentaliser la radio à des fins politiques. Son second mandat à peine entamé, il a drastiquement réduit le financement de la radio dans le cadre des coupes budgétaires massives décidées par sa nouvelle administration.
- "Réalité choquante" -
"C'est vraiment dommage", déplore Sadibou Marong, responsable de Reporters sans Frontières pour l'Afrique de l'Ouest, précisant que VOA couvrait des zones sensibles, même sous pression militaire ou face à des groupes armés.
L'interruption des émissions de VOA en Afrique survient alors que Radio France Internationale (RFI) a été interdite au Niger et la BBC suspendue pour trois mois - deux radios offrant aussi des services en haoussa.
La création de stations de radio dans l'Etat de Kano (nord du Nigeria) en 1944 a ancré une forte culture radiophonique dans le nord du pays, où le taux d'alphabétisation en anglais était faible pendant la période coloniale britannique.
Des services étrangers en haoussa sont apparus peu après: la BBC en 1957, VOA en 1979.
Muhammad Mukhtar, auditeur nigérian de 50 ans, habitué à écouter VOA dès 06H00, se dit rassuré par la présence d'autres stations locales pour suivre l(actualité. Mais il déplore la perte des émissions de fond de VOA, notamment celles consacrées à la santé, à l'islam en Amérique et au débat sur la politique nigériane.
"Je n'ai toujours pas accepté cette réalité choquante", confie-t-il.
Le service en haoussa de VOA a été apprécié pour son "journalisme axé sur les solutions", dit Alhassan Bala, un journaliste licencié par la radio, citant par exemple un reportage sur un jeune de Kaduna, une ville du nord du Nigeria, qui a conçu des drones capables de détecter les maladies des cultures.
Les sujets de la VOA ont par ailleurs parfois déclenché des enquêtes gouvernementales, comme ceux consacrés à l'exposition des enfants aux métaux lourds dans les mines de Zamfara, dans le nord du Nigeria.
Pour Babangida Jibrin, et d'autres journalistes, la fermeture de la VOA a été un choc. M. Jibrin, qui se souvient des premières années de la radio au Nigeria, se demande aussi maintenant comment il pourra subvenir aux besoins de sa famille.
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