Habituée du festival, qui fête cette année ses trente ans en faisant la part belle aux femmes et à l'Afrique, la chanteuse malienne n'a pas boudé son plaisir en retrouvant son public face à la mer: "A Marseille, on se croit chez nous", a-t-elle lancé dans une longue robe cintrée mauve et banche à des centaines de fans.
"La première fois que j'ai fait ce festival (en 1995), je me sentais devant un public comme l'Afrique, un public bien chaud, dansant, en mouvement, c'est un public extraordinaire", a confié à l'AFP la diva originaire du Wassoulou, région du sud du Mali qui englobe également une partie de la Guinée et de la Côte-d'Ivoire.
Je suis venue écouter "l'harmonie de l'Afrique en général", explique dans la foule Nadjatie Bacar, 40 ans, femme d'origine comorienne, même si elle ne comprend pas la langue dans laquelle chante Oumou Sangaré, le bambara.
Dès les premières notes, aux sonorités rock et blues, de "Wassulu Don" (littéralement "la culture du Wassoulou"), les déhanchements du public, en contrebas du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem), se font plus prononcés.
"Ce soir, nous sommes là pour vous présenter mon nouvel album +Timbuktu+", annonce la chanteuse malienne, évoquant la genèse singulière de ce 13e album, un "bébé du confinement" qu'elle a été contrainte de passer aux Etats-Unis.
"Chacun doit défendre sa culture, surtout le Wassoulou, c'est une partie du Mali qui est extrêmement riche parce que trois ethnies mélangées" y vivent, explique à l'AFP la diva malienne, accompagnée sur scène par Abou Diarra, célèbre joueur de "ngoni", un luth traditionnel malien.
- "Le métissage est toujours très positif" -
"C'est ancestral, ce sont seulement les chasseurs qui avaient le droit de jouer cet instrument" avant que les jeunes ne créent aussi leur variante en ajoutant "plus de cordes pour pouvoir jouer beaucoup de rythmes", détaille la chanteuse.
"Avec le ngoni, tu peux faire du blues, du reggae, du ragga, tu faire tous les rythmes du monde", ajoute celle qui, à son tour, a profondément renouvelé cette musique.
"J'ai essayé de la moderniser un peu, tout en faisant attention à la culture pour ne pas trop la dénaturer", se remémore la chanteuse qui, dans son premier album, "Moussolou" ("Femmes"), avait "ajouté la basse, le violon: c'était du jamais vu et tout de suite ça a pris".
"Le métissage est toujours très positif, que ce soit en musique ou dans la vie", répète-t-elle à l'adresse du public marseillais, avant de saluer ses musiciens, malien, français et ivoirien, ainsi que ses choristes. "J'ai choisi une femme à la guitare-basse", souligne-t-elle en se tournant vers Elise Blanchard.
"J'adore les femmes qui veulent changer le monde", avait déclaré juste avant la diva, devenue par son histoire un modèle d'émancipation pour beaucoup d'Africaines. "A chaque fois que je vois un homme intelligent en face de moi, je pense à sa mère", ironise-t-elle encore.
"Je suis née dans une famille polygame où ma mère s'est retrouvée avec six enfants, mon papa est parti avec d'autres femmes, c'était la galère totale", se rappelle-t-elle. Pour soulager sa mère financièrement, elle a commencé à chanter à cinq ans dans des baptêmes et des mariages.
"J'ai réussi vraiment à être un exemple pour beaucoup de filles", poursuit Oumou Sangaré, qui confie avoir été "surprise de voir qu'elle "influence jusqu'aux enfants des diasporas", la chanteuse Aya Nakamura, entre autres, lui ayant dédié une chanson.
Mais "je ne me suis pas arrêtée en chantant seulement (...), j'ai essayé de mettre des choses sur place", insiste la diva, femme d'affaires à la tête de plusieurs hôtels et d'une exploitation agricole au Mali.
"Il faut que nous-mêmes, consciencieusement, par le travail, on devienne autonomes", estime-t-elle.
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