Le Ballon d'Or est-il démocratique ?

Publié le 30 oct. 2024 à 07:44

  • Le Ballon d'Or est-il démocratique ?

La remise du Ballon d'Or est souvent entourée de polémiques, et celle de 2024 n'a pas fait exception. L'édition de 2024, en particulier, a vu de nombreuses discussions concernant la victoire de de l’espagnole du Manchester City, Rodri malgré les pronostics qui donnaient Vinicius vainqueur. Dès lors, il convient de se poser la question suivante : Le Ballon d'Or est-il démocratique ?

Le plan de cette contribution est le suivant. La première section traite de l’organisateur du ballon d’or. La seconde aborde la question des votants. La dernière du mode du scrutin.

Qui est l’organisateur de l’élection du Ballon d'Or ?

Depuis la création de ce prestigieux trophée en 1956, le magazine français France Football s'occupe de la sélection des nommés, de l'organisation des votes et de la remise du prix. Ce magazine est détenu par le groupe L'Équipe, une filiale du groupe de médias français Amaury Group qui est détenu majoritairement par la famille Amaury. Ainsi, l’organisation de cette compétition qui tient en haleine des milliards de personnes est confiée à un groupe détenu par une famille.

Le pouvoir réel réside souvent moins dans l'action de voter que dans celui de comptabiliser les votes, un rôle qui peut influencer les résultats finaux.

Qui sont les votants du Ballon d'Or ?

Pour l'édition 2024 du Ballon d'Or, 100 journalistes des 100 premiers pays au classement FIFA sont appelés à voter, avec 50 votants pour la catégorie féminine. Plus de 50 pays européens sont généralement représentés parmi ces votants. Pourtant, la FIFA (Fédération Internationale de Football Association) compte 211 pays membres répartis en six confédérations continentales : UEFA (Union des Associations Européennes de Football) – Europe, CONMEBOL (Confédération Sud-Américaine de Football) - Amérique du Sud, CONCACAF (Confédération de Football d'Amérique du Nord, Centrale et Caraïbes) - Amérique du Nord, Centrale et Caraïbes, CAF (Confédération Africaine de Football) – Afrique, AFC (Confédération Asiatique de Football) – Asie, OFC (Confédération de Football d'Océanie) – Océanie.

Quel est le mode de scrutin du Ballon d'Or ?

La difficulté du principe de la majorité est connue au moins depuis le 18e siècle alors que deux membres célèbres de l'Académie royale des sciences de France, Borda et Condorcet, disputaient de la problématique. Dans le système de Borda, les votants classent les candidats. Chaque rang reçoit des points, et le total des points détermine le gagnant. Ce système favorise le consensus, mais peut négliger les préférences fortes. Pour Condorcet, un candidat est élu s'il gagne tous ses duels face à d'autres candidats. Ce système est idéal pour refléter les préférences collectives, mais peut être complexe à mettre en œuvre en cas de cycles de préférences. En outre, le système de vote le plus usité pour les élections présidentielles à travers le monde est le système uninominal. Les votants choisissent un seul candidat. Le candidat avec le plus de votes remporte. Ce système est simple et direct, mais peut mener à un manque de représentation des préférences minoritaires.

Le mode de scrutin retenu pour le Ballon d’or est le vote pondéré à la Borda. Chaque juré vote pour ses trois joueurs préférés en leur attribuant respectivement 5, 3 et 1 point. Les votes sont ensuite totalisés pour déterminer le gagnant.

Ce système présente plusieurs inconvénients. Les votants peuvent être incités à classer des candidats moins populaires plus haut pour favoriser leur choix préféré, ce qui peut altérer le résultat. En sus, un joueur très apprécié (Vinicius) mais moins soutenu par une majorité pourrait être désavantagé par rapport à un candidat largement accepté mais moins apprécié (Rodri).

Les résultats peuvent être difficiles à interpréter, car un candidat peut gagner avec des points élevés sans être le choix préféré de la majorité. Dans certaines situations, le système peut conduire à des résultats paradoxaux où le gagnant n'est pas celui qui serait élu dans un système différent (comme Condorcet).

Enfin, lorsqu'il y a plusieurs candidats d'un même club (Vinicius Jr, Jude Bellingham et Dani Carvajal) parmi les favoris, cela peut diviser le soutien des votants.

En somme, le théorème d'impossibilité d'Arrow, formulé par l'économiste Kenneth Arrow en 1951, établit qu'il est impossible de concevoir un système de vote qui respecte certaines conditions de rationalité tout en produisant un classement cohérent des préférences. Cela souligne les limitations des systèmes électoraux en matière de prise de décision collective.