Divo,creuset du renforcement et de l’intégration africaine

Publié le 15 févr. 2024 à 19:54

  • Divo,creuset du renforcement et de l’intégration africaine

La 34ème édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football organisée en Côte d’Ivoire vient de s’achever avec le triomphe de l’équipe ivoirienne. Mais, au-delà du résultat sportif engrangé par ce pays, divers autres domaines ont été positivement impactés par cet évènement continental, notamment au plan humain.

Des communautés étrangères d’Afrique, vivant à Divo depuis des années, ont donné des preuves du renforcement des liens avec les ivoiriens, donc de l’intégration africaine dans ce pays, chaque fois que l’équipe des Eléphants jouait, même contre l’équipe de leurs pays d’origine.

La CAN 2023 a été dénommée par les autorités ivoiriennes, « La CAN de l’hospitalité », une vertu cardinale qui caractérise cette nation qui a inscrit dans son hymne national que ce pays est le « pays de l’hospitalité ». Mieux qu’une inscription dans un hymne, la Côte d’Ivoire abrite 22% d’étrangers, selon les résultats du Recensement général de la population et de l’habitat de 2021 (RGPH 2021), publiés le 06 juillet 2022. Dans la région du Lôh-Djiboua, dont Divo est le chef-lieu, la population totale est estimée à 1,103 million d’habitants, dont 577 653 hommes et 525 505 femmes.

Dans cette région du Lôh-Djiboua, située dans le Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire, la population autochtone Dida a accueilli des populations cosmopolites venues en majorité des pays de la sous-région ouest-africaine, notamment du Mali, du Burkina Faso, du Sénégal, du Nigéria, du Niger, de la Guinée, du Togo, du Benin, de la Mauritanie.

Les richesses naturelles de la région expliquent cette affluence de populations étrangères et allochtones. En effet, la région est dans une zone forestière agricole, avec la culture du café-cacao, du palmier à huile, de l’hévéa, et des cultures vivrières. En plus, le Lôh-Djiboua est également une région riche en ressources minérales en exploitation, à savoir l’or et le manganèse.

Hormis les crises politiques qui ont par moment exacerbé, dans un passé récent, les tensions entre les populations, les différentes communautés présentes dans le département de Divo, et globalement dans la région, vivent en bonne entente les unes avec les autres. A l’occasion de la 34ème édition de la CAN en Côte d’Ivoire, nous avons approché des communautés étrangères qui nous ont donné de voir une forte intégration de celles-ci, là où l’on pensait que la passion du football et l’atmosphère sociopolitique actuelle dans la sous-région ouest-africaine allaient être des sources de divisions et de tensions entre les communautés, surtout avec la crise au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

II – La CAN a donné la preuve du renforcement des liens entre les populations étrangères et ivoiriennes

Des personnes malintentionnées avaient fait courir sur les réseaux sociaux, au démarrage de cette CAN, toutes sortes de rumeurs visant à créer la peur et la méfiance entre certaines communautés et leurs hôtes ivoiriens. Mais rien n’y fit. Quatre exemples de la force de l’intégration interafricaine nous sont donnés par des ressortissants sénégalais, maliens, nigérians, et burkinabè, vivant dans le département de Divo.

1 – Le secrétaire général de la communauté sénégalaise de Divo et son jeune protégé ivoirien

Ils sont comme père et fils, mais chacun supporte son équipe. Le premier, Moussa Diallo, est le secrétaire général de l’amicale des ressortissants sénégalais vivant à Divo. Il y vit depuis des dizaines d’années. Pour la rencontre des 8èmes de finale de la CAN, opposant la Côte d’Ivoire au Sénégal, il reçoit cette nuit-là chez lui, au quartier Vatican, son protégé, un jeune ivoirien d’une vingtaine d’années, qui le prend comme un père.

L’image fut saisissante, ce 30 janvier 2024, à 20H30, quand nous rentrions dans le petit salon de M. Diallo, ce gaillard de plus de 1,80 mètre, la quarantaine bien entamée. Il est en boubou de nuit, rayé en bande marron et blanc, et assis dans son fauteuil, avec à ses côtés le jeune ivoirien filiforme, Kouassi Moïse Wilfried, en tee shirt aux couleurs des Eléphants de Côte d’Ivoire, regardant ensemble le match.

N’eut été les présentations antérieurement faites, nous aurions vu là l’image d’un père et de son fils. « Lui, il est comme un papa pour moi. Comme c’est un affrontement Côte d’Ivoire – Sénégal, j’ai préféré venir chez lui regarder le match. La victoire du Sénégal va nous mettre en joie et pareil aussi pour la victoire de la Côte d’Ivoire », a déclaré d’une voix douce le jeune Kouassi Wilfried, derrière ses lunettes.

« Pour moi, c’est un grand jour et un plaisir. Mon pays natal joue avec mon pays d’accueil et je suis avec des jeunes ivoiriens qui sont comme mes enfants, ensemble on regarde, on joue, même si je veux que le Sénégal gagne », a soutenu d’un ton enjoué, M. Diallo.

2 – Le 1er vice-président des jeunes de la communauté malienne de Divo aux couleurs de la Côte d’Ivoire et du Mali pour supporter les deux pays   

Quand nous sommes reçus par une quinzaine de responsables de la communauté malienne résidant à Divo, au domicile du chef de cette communauté, au quartier Dialogue, vendredi 02 février 2024, à l’appel et en présence du chef Sidibé Yacouba, c’est le 1er vice-président des jeunes de ladite communauté, Diakité Mohamed Lamine, qui en est désigné le porte-parole, à la veille de la rencontre des quarts de finale entre la Côte d’Ivoire et le Mali, pour échanger avec nous.

Des rumeurs distillées sur les réseaux sociaux avaient voulu faire croire que les jeunes ivoiriens menaçaient de s’en prendre aux ressortissants maliens en cas d’élimination de la Côte d’Ivoire face au Mali. Mais, les autorités préfectorales et policières ont vite anticipé pour faire de la sensibilisation et rassuré toutes les communautés, dont celle du Mali qui a expliqué, qu’à aucun moment elle avait été directement inquiétée.

« Au marché, j’ai plaisanté sur la rencontre avec nos frères ivoiriens, on a ri, et chacun a fait son pari. Ici, il n’y a pas de problème entre nous et les ivoiriens », a déclaré M. Diakité Lamine, au nom de sa communauté.

Passionné de football, le 1er vice-président des jeunes maliens de Divo, du haut de ses 1,90m, s’est habillé le jour de la rencontre dans les couleurs du Mali et de la Côte d’Ivoire.

« Je suis malien et mes enfants sont ivoiriens. Je supporte le Mali et la Côte d’Ivoire, mais cette fois le Mali va vaincre le signe indien », a soutenu M. Diakité, en tee shirt blanc et orange pour la Côte d’Ivoire, un képi et une écharpe vert, jaune et rouge, les couleurs du Sénégal sur sa moto. Devant son domicile, il a étendu sur la façade deux grands drapeaux de la Côte d’Ivoire et du Sénégal.

A la fin de la rencontre, remportée par la Côte d’Ivoire qui s’est qualifiée pour les demi-finales, M. Diakité a été fairplay et a déclaré, « Chapeau aux Eléphants, ils ont mouillé le maillot ! Mais, ce n’est pas la Côte d’Ivoire qui a gagné, c’est l’Afrique qui a gagné, ce n’est pas le Mali qui a perdu, c’est l’Afrique qui a gagné. On est avec les Eléphants et on les soutient jusqu’au bout ».

3 – A Ogoudou, la communauté burkinabé à fond derrière les Eléphants de Côte d’Ivoire après l’élimination des Etalons du Burkina Faso  

Dans le gros village d’Ogoudou, également chef-lieu de sous-préfecture, situé à 21 km de la ville de Divo, la communauté burkinabé était mobilisée pour supporter avec les ivoiriens l’équipe des Eléphants qui jouait la demi-finale contre l’équipe de la République démocratique du Congo.

Dans des maquis ou dans des endroits plus discrets, des burkinabè donnaient de la voix pour supporter les Eléphants de Côte d’Ivoire.

« Je suis burkinabè et je vis ici à Ogoudou depuis près de neuf ans, nous nous entendons, nous sommes comme des frères, et Je suis fier de l’équipe ivoirienne », explique un supporteur burkinabè, Belem Karia Adrien, soutenant que « là où tu vis tu dois supporter l’équipe normalement ». Il a fêté avec les ivoiriens la victoire contre la RD Congo.

4 – Le chef de la communauté nigériane de Divo a du mal à faire un choix entre l’équipe de Côte d’Ivoire et celle du Nigéria

Le chef de la communauté nigériane de Divo, Djimo Dieudonné, et sa famille sont des passionnés du football. En Côte d’Ivoire depuis les années 50, il est connu au quartier Bada pour son engagement dans le sport. En Côte d’Ivoire, il est un supporteur du Stella club, reconnu par les premiers responsables de cette équipe.

Coiffeur de profession, encore actif à plus de 70 ans, M. Djimo, a son petit atelier de coiffure depuis plusieurs années, niché entre un pâté de maisons alignées en bordure de la voie principale, avec à côté de lui le magasin de commerce de son épouse. Devant son atelier, il arbore fièrement les deux drapeaux de la Côte d’Ivoire et du Nigeria, pour marquer son appartenance aux deux nations.

C’est dans son atelier ou à domicile qu’il suit souvent avec sa famille les matchs de la CAN. Déchiré qu’il était lors du match de poule qui a opposé le Nigeria à la Côte d’Ivoire, jeudi 18 janvier, M. Djimo a déclaré avoir souhaité que, pour ce match de poule, les deux équipes se neutralisassent. Le Nigeria l’a remporté par le score d’un but à zéro. Toutefois, le chef de la communauté nigériane a prié pour que la finale oppose ces deux équipes, voyant en cela le triomphe des deux équipes qu’il chérit le plus au sommet du football continental.

Sa prière ayant été exaucée, le chef de communauté, a déclaré le jour de la finale, « que la meilleure équipe gagne », soulignant que « cette rencontre est une fête » pour lui, parce que quelle que soit l’équipe victorieuse entre le Nigeria et la Côte d’Ivoire, il sera en joie avec sa famille.

Cette ambiance du vivre ensemble était visible tout au long de cette CAN 2023 dans de nombreuses localités du Lôh-Djiboua et certainement de toute la Côte d’Ivoire, pays de l’hospitalité.