"Je n'ai jamais vu quelque chose comme ça avant", souffle l'océanologue Lalita Putchim, après une plongée au large de l'île de Samae San, au sud-est de Bangkok.
De grandes taches jaunes recouvrent des pans du récif corallien, victimes d'une bactérie tueuse qui jusqu'ici avait épargné ce coin apprécié des plongeurs amateurs.
La propagation de la maladie dite des "bandes jaunes", repérée dans la province de Chonburi (sud-est) pour la première fois en 2021, a rappelé à la Thaïlande la fragilité de sa biodiversité marine, exposée au dérèglement climatique.
Dans cette région touristique, entre l'île de Samae San et Pattaya, les scientifiques ont trouvé la trace de coraux morts dans une zone de plus de 2 km2, explique Lalita Putchim, qui travaille pour le département des ressources marines et côtières, sous l'autorité du ministère des Ressources naturelles et de l'Environnement.
La propagation éclair de la maladie inquiète d'autant plus les scientifiques qu'aucun traitement n'est connu pour se débarrasser de la bactérie, observée pour la première fois en Floride dans les années 1990.
D'autres questions demeurent sur l'arrivée en Thaïlande de la maladie, qui pourrait être liée à la surpêche, la pollution et le réchauffement de l'eau de la mer qui fragilise la structure du corail, selon les experts.
Les protecteurs de l'environnement ont organisé leur riposte sur le terrain, via des plongées pour repérer et collecter les coraux malades, et dans les laboratoires, où les chercheurs tentent de percer les mystères de la bactérie.
"Jusqu'ici, on ne connaît que le nom de la bactérie qui provoque la maladie", admet Sarawut Siriwong, chercheur spécialiste des milieux aquatiques, à l'université Boraphat, dans la province voisine de Chanthaburi.
Il faut accentuer la protection des récifs coralliens, en limitant l'évacuation des eaux usées dans la mer ou dissuader les visiteurs de toucher les coraux, assure-t-il.
- Plongeurs volontaires -
Mais les recherches se heurtent à une barrière financière et humaine, qui restreint les recherches et qui empêche toute opération d'envergure pour contenir la bactérie.
Les autorités pourraient décider d'allouer des fonds spéciaux en 2023, explique à l'AFP Athapol Charoenshunsha, directeur général du département des ressources marines et côtières.
"C'est un sujet très important. C'est la première fois que la Thaïlande rencontre cette maladie, donc nous devons être très prudents", précise-t-il.
En attendant, les chercheurs font appel à des plongeurs volontaires pour les aider à repérer les récifs détruits.
"J'ai commencé à aider... après avoir vu la couleur anormale du corail", a déclaré Thanapon Chaivanichakul, 38 ans, un dirigeant d'entreprise venu de Bangkok, l'un de quatre volontaires aidant les scientifiques ce jour-là, en prenant des photos de la faune et de la flore sous-marines.
C'est toute une région qui regarde partir les précieux coraux, l'un de ses atouts qui attirent les touristes thaïlandais comme étrangers en quête de plages idylliques et d'eaux turquoise et qui fait vivre l'économie locale.
"C'est comme si notre propre maison était détruite", se plaint Choopan Sudjai, propriétaire d'un bateau touristique proposant des tours de l'île de Samae San.
Cet homme âgé de 55 ans tient au courant sa communauté des dernières nouvelles sur la maladie.
"Tout le monde fait plus attention quand ils prennent la mer maintenant", assure-t-il. "Mais vu que le corail est infecté, et sera détruit, qu'est-ce qu'on va faire dans cinq ans ?"
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