La Zimbabwéenne Kirsty Coventry, première femme présidente du Comité International Olympique (CIO)

Publié le 20 mars 2025 à 18:42

  • La Zimbabwéenne Kirsty Coventry, première femme présidente du Comité International Olympique (CIO)

Après 131 ans d'existence, le Comité international olympique a pour la première fois élu jeudi à sa tête une femme et une Africaine, la Zimbabwéenne Kirsty Coventry, qui succèdera à seulement 41 ans à l'Allemand Thomas Bach.

A la stupéfaction générale, un seul tour a suffi pour que la septuple médaillée olympique de natation et ministre zimbabwéenne des Sports décroche une majorité absolue de 49 voix, supplantant ses six adversaires en quelques minutes dans le luxueux complexe grec de Costa Navarino.

"C'est un moment extraordinaire. Lorsque j'étais une fillette de neuf ans, jamais je n'aurais imaginé que je serais ici devant vous", a déclaré l'ancienne championne. Un peu plus tard, elle a vu dans son succès le signe d'un CIO désormais "ouvert à la diversité", promettant de poursuivre dans cette voie et "rassembler" sa centaine de collègues.

Oubliée, la promesse d'un duel final entre les deux grands favoris, l'Espagnol Juan Antonio Samaranch Junior (28 voix) et le Britannique Sebastian Coe, humilié avec seulement huit suffrages. Et les outsiders annoncés, soit le Français David Lappartient, le Japonais Morinari Watanabe, le Suédo-Britannique Johan Eliasch et le prince jordanien Faisal Al-Hussein, n'ont pas plus fait le poids.

Elue de justesse à la commission des athlètes du CIO en 2013, en même temps que Tony Estanguet, Kirsty Coventry a depuis connu une ascension fulgurante et passait pour activement soutenue en coulisses par Thomas Bach. "Je n'avais pas de candidat préféré", a démenti le Bavarois, pour qui la Zimbabwéenne a triomphé grâce à son "expérience", sans que ce soit "un vote sur les femmes contre les hommes ou l'inverse".

Elle lui succèdera officiellement le 23 juin à Lausanne, au siège suisse de l'instance olympique, pour un premier mandat de huit ans avant une éventuelle reconduction pour quatre ans.

- "Consensuelle et efficace" -

Bien plus discrète que ses rivaux pendant la campagne, la double championne olympique du 200 m dos (2004, 2008) s'était contentée mercredi face à la presse de filer la métaphore sportive, disant ressentir "toute l'adrénaline" de la dernière longueur de course.

"Nous avons une athlète à la tête de l'organisation. C'est une bonne chose", a salué Sebastian Coe, beau joueur, alors que Juan Antonio Samaranch Junior a promis d'être "à ses côtés".

Que Thomas Bach ait ou non orchestré sa victoire, il lui faudra rapidement s'émanciper de cet encombrant patronage: première femme à la tête du CIO, 24 ans après la candidature infructueuse de l'Américaine Anita DeFrantz face au Belge Jacques Rogge, et première Africaine, Coventry est un puissant symbole.

Son avènement parachève la féminisation croissante du monde olympique: le CIO compte désormais 43 femmes parmi ses membres (environ 40%), un nombre doublé depuis 2013, ses commissions sont devenues paritaires et sur le terrain, il y a pour la première fois eu autant de concurrentes que de concurrents aux JO-2024 de Paris.

Le scrutin présidentiel étant à bulletins secrets, rien ne dit que Coventry ait attiré les suffrages non-occidentaux et ceux des femmes. Mais l'institution, qui avait toujours été dirigée par un Européen ou un Américain, s'est fortement internationalisée.

"C'est une coalition qui dépasse largement l'Afrique", s'est félicité auprès de l'AFP Tidjane Thiam, membre ivoirien du CIO, décrivant Coventry comme "une bonne manager, consensuelle, efficace, très agréable comme personne".

- Le chantier du genre -

Son programme, le plus flou des sept candidats, reste pour l'heure à préciser: elle a expliqué vouloir marquer "une pause", le temps de réfléchir collectivement avec les membres du CIO, sans dire si cette phase de consultation inclura les fédérations internationales et comités nationaux olympiques.

A son menu figurent déjà nombre de chantiers: à moins d'un an des JO-2026 de Milan-Cortina, il lui faudra d'abord décider du sort des athlètes russes. "Nous nous réjouissons de voir un mouvement olympique plus fort, plus indépendant et plus prospère sous la houlette d'une nouvelle dirigeante, et de voir la Russie remonter sur le podium olympique", a déclaré sur Telegram le ministre russe des Sports, Mikhaïl Degtiariov.

Dans le même temps, la Zimbabwéenne devra amorcer une relation avec le président américain Donald Trump en vue des JO-2028 de Los Angeles, tout en enterrant la hache de guerre entre l'Agence mondiale antidopage - financée pour moitié par le CIO - et les Etats-Unis, qui ont suspendu leur contribution en début d'année.

Outre son action attendue sur le modèle économique du CIO et son impact climatique, des sujets existentiels pour l'olympisme, elle devra clarifier les règles d'accès aux compétitions féminines, dans la foulée des controverses des JO-2024 de Paris sur le genre de deux boxeuses.

A plus long terme, l'instance olympique devra aussi attribuer les JO d'été de 2036, pour lesquels les "parties intéressées" se bousculent, de l'Inde à l'Afrique du Sud en passant par la Turquie, la Hongrie, le Qatar ou l'Arabie Saoudite.

Enfin, la présidence de Thomas Bach livre à sa remplaçante au moins un enseignement: du scandale du dopage russe au report des JO-2020 de Tokyo en raison de la pandémie, en passant par la négociation avec les talibans pour protéger les sportives afghanes, le patron du CIO gère les crises les plus diverses, et doit leur inventer des solutions sur mesure.