"Les règles de l'App Store enfreignent le règlement sur les marchés numériques (DMA), elles empêchent les développeurs d'applications d'orienter les consommateurs vers des canaux de distribution alternatifs pour des offres et du contenu", estime Bruxelles dans un "avis préliminaire".
Apple a construit son succès sur un écosystème fermé autour des iPhone et iPad dont il contrôle tous les paramètres, invoquant des impératifs de sécurité et le confort accru des utilisateurs -une philosophie en opposition frontale avec les règles européennes de concurrence.
"Au cours des derniers mois, Apple a apporté un certain nombre de modifications pour se conformer au DMA (...) Nous sommes convaincus que notre plan est conforme" au droit, a réagi le groupe californien.
"Tous les développeurs dans l'UE ont la possibilité d'utiliser les fonctionnalités que nous avons introduites, notamment la possibilité de diriger les utilisateurs vers internet pour effectuer leurs achats", a-t-il argumenté.
L'opinion publiée lundi, à la suite de l'ouverture d'une enquête le 25 mars, constitue une première dans le cadre des nouvelles règles de concurrence du DMA, devenues contraignantes début mars.
Apple peut désormais exercer ses droits à la défense en ayant accès au dossier et répondre par écrit aux conclusions préliminaires.
Si celles-ci étaient confirmées, la Commission adopterait une décision définitive de non-conformité d'ici fin mars 2025.
Apple pourrait alors écoper d'une amende allant jusqu'à 10% de son chiffre d'affaires mondial -soit plus de 30 milliards d'euros sur la base des ventes de l'an dernier-, et même jusqu'à 20% en cas d'infraction répétée... si le géant américain ne modifiait pas l'App Store d'une manière jugée satisfaisante par l'UE.
Une astreinte journalière correspondant à 5% de ses revenus quotidiens peut aussi être imposée. Enfin, le démantèlement des contrevenants fait figure d'arme de dernier recours.
En vertu du DMA, "les entreprises distribuant leurs applications via l'App Store doivent pouvoir, gratuitement, informer leurs clients des possibilités d'achat alternatives moins chères, pouvoir les diriger vers ces offres et leur permettre d'effectuer des achats", explique la Commission.
Bruxelles estime que ce n'est aujourd'hui toujours pas le cas, malgré des avertissements répétés de l'UE et des modifications apportées par Apple.
Le précédent Spotify
Il s'agit d'un vieux contentieux entre le géant américain et le gendarme européen de la concurrence.
Pour des motifs similaires, le groupe de Cupertino s'est vu infliger début mars une amende de 1,8 milliard d'euros par la Commission, au terme d'une enquête ouverte en juin 2020 après une plainte de la plateforme de streaming musical Spotify.
Apple, qui s'estime en règle, a déposé un recours auprès du tribunal de l'UE pour faire annuler cette sanction qui découle de règles antitrust déjà en vigueur avant le DMA.
Ce nouveau règlement, qui permet d'agir plus vite et plus fort contre les abus de concurrence des géants du numérique, a été introduit pour protéger l'émergence et la croissance de start-ups en Europe et offrir plus de choix aux consommateurs.
"Nous sommes déterminés à utiliser la boîte à outils claire et efficace du DMA pour mettre rapidement un terme à une saga qui dure déjà depuis de trop nombreuses années", a déclaré le commissaire européen au Numérique, Thierry Breton, accusant Apple d'"évincer les entreprises innovantes".
La Commission avait lancé le 25 mars une autre procédure visant Apple pour manquement à son obligation d'offrir aux utilisateurs une alternative facile d'accès à son navigateur web Safari.
En raison des procédures engagées dans le cadre du DMA, l'exécutif européen a en revanche clôturé une enquête antitrust, lancée en juin 2020, qui ciblait les frais facturés aux développeurs pour chaque application téléchargée et des difficultés d'accès aux boutiques d'applications alternatives.
Une enquête visant les tarifications d'Apple sur les livres électroniques et audio reste en cours.
Outre Apple, le DMA s'applique à quatre autres mastodontes américains -Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft- mais aussi au réseau social TikTok, propriété du groupe chinois ByteDance, ainsi qu'à la plateforme néerlandaise de réservation d'hôtels Booking.
Des enquêtes visant Alphabet (Google) et Meta (Facebook, Instagram) ont également été ouvertes pour non-respect du nouveau règlement.
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